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scintiller, sur le dos d’une colline, les derniers reflets de leurs armures. C’est ainsi qu’ils interceptaient des convois, surprenaient des avant-postes ou tombaient sur des arrière-gardes. Leur façon de vivre, M. Warburton la décrit au moyen d’une peinture analogue empruntée aux Mémoires de Bussy-Rabutin : « Quand l’armée marche, nous travaillons comme des chiens ; quand on séjourne, il n’y a pas de fainéantise égale à la nôtre. Nous poussons toujours les affaires à l’extrémité. On ne ferme pas l’œil trois ou quatre jours durant, ou bien on est trois ou quatre jours sans sortir du lit. On fait fort bonne chère ou l’on meurt de faim. »

Pendant la première période de la guerre, avant que les troupes parlementaires fussent commandées par des généraux fanatiques il y avait quelquefois entre les deux partis des courtoisies chevaleresques. Dans l’ouest, sir Ralph Hopton pour le roi, sir William Waller pour le parlement, furent presque toujours en présence. Ils étaient amis. Au début des hostilités, sir William Waller écrivit cette belle lettre à sir Ralph Hopton : « Mon affection pour vous est si immuable, que la guerre elle-même ne peut violer l’amitié que je porte à votre personne ; mais je dois être fidèle à la cause où je sers. La vieille limite usque ad aras tient encore. Le grand Dieu, qui est le témoin de mon cœur, sait avec quelle répugnance je vais à ce service et avec quelle haine parfaite je regarde une guerre où je ne vois point d’ennemis ; mais je la considère comme opus Domini, c’est assez pour faire taire toute passion en moi. Que le Dieu de paix, en son bon temps, nous envoie la paix et nous rende propres à la recevoir ! Nous sommes tous deux sur la scène, et nous devons jouer les rôles qui nous sont assignés dans cette tragédie. Faisons-le dans le chemin de l’honneur et sans animosités personnelles. » Hopton battit plusieurs fois son ami Waller. Dans une de ces victoires périt l’excellent sir Bevill Grenvil, en ramenant pour la troisième fois son régiment à la charge. On a vu le défi que le prince Rupert avait envoyé tout d’abord à Essex. Il lui écrivit un jour « pour lui demander le nom d’un gentilhomme qui, poursuivant des cavaliers avec ardeur, fut rencontré par O’Neale et un autre grand soldat : il se battit avec les deux, logea une balle dans la cuisse d’O’Neale, démonta l’autre gentilhomme ; mais, une troupe de cavalerie royale venant à leur rencontre, il fut obligé de battre en retraite. La modestie de cette personne est telle qu’il semble qu’elle désire se faire connaître par ses actions plutôt que par son nom, car on ne sait qui elle est. » Ne dirait-on point dans un tournoi le chevalier vainqueur qui ne veut pas lever sa visière ? Les fanatiques ne connaissaient pas cette galanterie militaire. Quand le colonel Bagot commandait à Lichfield pour les cavaliers, il reçut un jour ce défi brutal d’un capitaine Hunt, qui commandait à Tamworth pour les parlementaires : « Bagot, toi, fils d’une Egyptienne, rencontre-moi à moitié chemin, entre Lichfield et Tamworth, si tu