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fautes ; on lui impute les ruines qui l’ont écrasé ; on ne songe pas que son élévation et sa chute avaient eu un principe commun dans l’insurmontable mobilité de son pays et de son temps.

Tel était l’arrêt qui tôt ou tard devait atteindre Stanislas-Auguste, le dernier roi de Pologne. Il ne pouvait pas éviter sa destinée, et dès les premiers jours de son règne, malgré les joies de l’avènement, des symptômes menaçans et sinistres apparurent de toutes parts. En effet, sa situation était plus que difficile ; à la longue, elle devait devenir impraticable. Manifestement porté au trône par la volonté d’une puissance étrangère ; il espéra concilier l’obéissance d’un vassal, suite inévitable de l’origine de son pouvoir, avec l’indépendance d’un monarque vraiment maître de sa couronne. Stanislas voulait bien être un vice-roi à la condition de paraître un roi. Il suffisait d’un instant de réflexion pour apprécier ce qu’il y avait d’insoluble dans ce problème.

Au surplus, on ne doit pas juger Poniatowski sur les diatribes de ses ennemis ou sur les panégyriques de ses admirateurs, car il en eut, et c’est l’amitié qui les lui donna. Poniatowski mérita des amis par la douceur de ses mœurs ; l’agrément de son commerce familier ; mais, quoique les personnes qui y furent admises en aient conservé un souvenir reconnaissant, pour rendre une entière justice à un particulier aimable, devenu un souverain médiocre, il faut se placer entre les exagérations haineuses de M. de Rulhière et les exagérations bienveillantes de M. Dupont de Nemours. Ce qu’il y eut d’honorable dans les intentions de ce prince, c’est qu’il se proposa réellement d’attacher son nom à d’utiles réformes, surtout dans l’éducation publique. Il n’était pas insensible au désir de rendre sa patrie heureuse, de l’initier à la civilisation et de la façonner au joug salutaire de la loi. Par malheur, il y avait dans ces grands desseins plus d’émotion que de volonté ; sans être incapable ni d’intentions honnêtes ni même de quelque adresse, il se laissait aller, avant tout, à beaucoup d’hésitations, de petitesse et de peur.

Les Czartoriski avaient plus de fermeté et plus de courage ; nulle préoccupation accessoire, nulle minutie ne les détournait de leur but ; ils ne s’égaraient point, comme leur neveu, dans l’étalage de goûts militaires, bien moins encore dans le déploiement plus frivole d’un luxe théâtral. Ils ne citaient guère les législateurs de l’antiquité, n’entremêlaient pas avec la langue des affaires quelques lambeaux de tragédies française et ne se montraient pas en public, comme Stanislas, revêtus de ce costume sans époque et sans patrie où le casque s’allie à la perruque poudrée, la cuirasse aux bas de soie amalgame hétérogène et fantasque qu’on retrouve encore sur les statues des deux siècles, et qu’alors on nommait très sérieusement un habit à la romaine. C’est ainsi que Stanislas-Auguste partit à on couronnement.