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le fera ni par soi-même ni par des gens subordonnés. Chacun obéira religieusement au commandement du chef, exécutera ses ordres au risque de sa vie, et se soumettra à la sentence prononcée par lui. Défense rigoureuse qu’il y ait aucune femme au camp.

« Le premier drapeau de la conjuration portera le crucifix ; le second, Notre-Dame. Sur tous ces drapeaux, mais principalement sur le premier, seront représentés des cadavres tombés les uns sur les autres, avec cette légende : Les ennemis de la religion ne nous les enlèveront point. La parole générale ou devise sera Jésus et Marie. On n’aura aucune correspondance ni intelligence avec les ennemis de la religion, ni avec les catholiques qui nous seront contraires. Chaque cavalier conjuré aura deux chevaux, une paire de pistolets et un sabre, avec un valet armé. Il portera la croix au côté gauche.

« Chaque drapeau de cavaliers sera composé de cent chevaux et n’aura qu’un officier.

« Notre solde sera Dieu et la sainte Providence ; cependant quiconque sera en état de soulager et de secourir son compagnon sera obligé de le faire.

« Les gros fourrages et provisions seront distribués au quartier-général.

« Le choix du commandant-général dépendra de l’affection et de la confiance de tous les confédérés ; les autres officiers tireront au sort, outre ceux qui, avec leurs drapeaux, viendront se ranger sous ceux de Jésus-Christ, lesquels cependant seront obligés de prêter serment et fidélité au commandant-général.

« Aucun luthérien, calviniste, grec désuni ni juif baptisé ne sera admis à la présente conjuration. De plus, on ne confiera le secret à personne, ni à sa mère, ni à sa sœur, ni à sa femme, bref, à qui que ce soit.

« Chacun des conjurés animera et engagera à cette conjuration les autres amis et bons catholiques.

« Que chacun des conjurés ait soin de vivre sans reproche de sa conscience, en demandant pardon à Dieu de tous ses péchés ; qu’il évite toute occasion de rechute qui attirerait la malédiction du ciel sur les confédérés. À cet effet, on commencera et on finira ses prières par implorer la bénédiction sur toutes nos actions.

« En cas qu’un des confédérés transgresse malicieusement les susdits articles ou fasse quelque trahison, il sera puni de mort sans délai.

« Le sceau des conjurés sera le crucifix dans la poitrine d’un aigle, tenant des deux côtés une épée dans ses serres, avec cette légende : Vaincre ou mourir[1].

Certes, il y a dans ce serment un caractère dont il faut reconnaître la grandeur : il reporte les esprits en plein moyen-âge, et respire l’enthousiasme des croisades mais, à l’époque où il fut prononcé, il y avait là un germe de mort pour la confédération : c’était un anachronisme évident. En effet, devant qui ces fils des croisés parlaient-ils ainsi ? Non-seulement devant les fils de Voltaire, mais devant Voltaire lui-même ! Aussi dès ce moment furent-ils traités de fanatiques dans l’Europe

  1. Copie textuelle. — Archives des affaires étrangères.