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l’assemblée ; et comme le langage de ces orateurs quelque peu mesuré qu’il soit, pourrait encore n’être pas compris par le public de la montagne, il y a des commentateurs chargés d’expliquer dans le patois du lieu l’éloquence des orateurs de la montage. Dans ces transformations successives, ce que le sophisme de la tribune acquiert de grossièreté et d’épaisseur peut à peine se concevoir ; mais ce qui est triste à dire, c’est qu’il ne perd rien de son efficacité perverse. Il y a des sophismes pour toutes les intelligences, comme il y a du vin pour tous les gosiers.

Si des affaires du dedans nous passons aux affaires du dehors, devons-nous parler de la question romaine ? L’assemblée législative dira dans quelques jours son dernier mot sur cette affaire, et déjà M. Thiers, dans un rapport qui est un modèle de justesse et de mesure, a inauguré et réglé la discussion Nous ne voulons aujourd’hui dire qu’un mot à ce sujet. Nous n’avons jamais hésité sur la nécessité de cette expédition, et nous ne sommes pas aujourd’hui embarrassés du dénoûment. Il ne nous étonne pas ; il ne nous fait pas repentir de l’humble approbation que nous avons toujours donnée. Nous avons été à Rome pour détruire la démagogie ; nous y étions d’autant plus obligés, que nous sommes une république. Les monarchies peuvent parfois laisser subsister les démagogies à côté d’elles. L’esclave ivre à Lacédémone enseignait la sobriété. La démagogie par ses excès, est un exemple favorable à la monarchie ; mais elle discrédite évidemment la république. La république est donc plus intéressée qu’aucun autre gouvernement à détruire la démagogie. Il y avait de plus, dans l’affaire de Rome, une circonstance à noter. Toutes les démagogies en Europe, la démagogie allemande, la démagogie italienne et la démagogie française, se donnaient la main, et toutes assaillaient à l’envi la république en France. Il fallait donc que la république française se défendît, et qu’elle continuât à Rome la victoire qu’elle avait remportée à Paris le 13 juin. C’est ce qu’elle a fait. Elle a détruit la démagogie romaine. C’était un des buts de notre expédition. Ce but est atteint. Nous regardons donc la mission militaire de la France en Italie comme accomplie et consommée.

Il y a une autre mission que la France peut s’efforcer d’accomplir à Rome, c’est de procurer aux populations romaines un gouvernement et une administration aussi appropriée que possible aux besoins du temps et du pays. C’est une mission toute diplomatique, et qui comporte dans son accomplissement du plus et du moins. Avons-nous, en effet, la prétention de rédiger à Paris la constitution que le pape doit donner à ses sujets ? Avons-nous la prétention d’imposer cette constitution au pape, sans qu’il puisse en changer un article ? Voulons-nous mettre sur ce point notre infaillibilité à la place de la sienne ? Non. La lettre du président, dont il a tant été question, indiquait les réformes que la France demandait au pape : elle en déterminait la nature, et, sous ce rapport, elle se rapprochait extrêmement du memorandum de 1831 ; mais elle n’était pas un ultimatum. Elle résumait les vœux de la France ; elle ne dictait pas des lois. Elle rentrait donc, par cela même dans le cercle de notre action diplomatique, qu’elle aidait et qu’elle hâtait.

Ne faisons pas l’affaire de Rome plus grosse qu’elle n’est, et surtout ne transportons pas à Paris les difficultés qui sont à Rome. Quant à nous, n’hésitons pas à dire que nous étions obligés de renverser M. Mazzini, et que