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nous ne sommes point obligés de gouverner au lieu et place du pape, selon nos idées et non selon les siennes. Si le pape gouverne mal, l’exemple des maux du gouvernement théocratique ne discréditera pas le gouvernement républicain ; nous sommes tranquilles sur ce point.

Une autre raison nous fait penser que nous devons, à Rome, nous contenter d’exercer une action diplomatique et ne point aller jusqu’à l’action administrative : c’est que, pour établir à Rome ce gouvernement équitable que nous imaginons, et qui ne serait ni trop ecclésiastique ni trop séculier, il faudrait qu’il y eût un parti modéré sur lequel nous pussions nous appuyer, et si nous en croyons tous les rapports qui nous sont faits, il y a à Rome des mazziniens et des grégoriens, des partisans de la démagogie et de la théocratie ; mais il n’y a point de parti modéré. Le gouvernement que nous souhaitons à Rome n’y a donc ni base ni milieu Comment créer tout cela du jour au lendemain ? Il faut demander des institutions qui permettent au parti modéré de naître et de grandir ; nous ne pouvons pas exiger que le présent soit déjà égal à l’avenir.

Les partis modérés ont de la peine à réussir en Italie. Voyez la chambre des députés en Piémont. Si la modération doit avoir quelque part l’ascendant de l’expérience, c’est en Piémont. La démagogie, qui a ruiné l’Italie centrale, a risqué aussi de ruiner le Piémont. Elle l’a mis à deux doigts de sa perte. Pendant la première guerre de Lombardie, et au moment des succès de Charles-Albert, la démagogie, en Italie (et peut-être faut-il dire en France aussi), a tout fait pour que ces victoires avortassent. Créer un roi et un royaume de l’Italie septentrionale, quelle horreur ! Qu’eussent dit les grands citoyens de Paris ? Aussi les grands citoyens de Milan s’employèrent-ils de leur mieux à brider l’essor de Charles-Albert. Ils ont réussi, ils ont changé sa victoire en retraite, ils ont ramené Radetzky à Milan, et aujourd’hui nous lisons que l’Autriche a augmenté l’impôt foncier de 50 pour 100 dans le royaume lombardo-vénitien. Ce sont les 45 centimes de la démagogie italienne. Seulement en Italie, si c’est la démagogie qui impose, c’est l’Autriche qui reçoit. Charles-Albert était vaincu une fois ; la démagogie l’a poussé à se faire vaincre une seconde fois. Cette fois elle n’a pas eu seulement le plaisir d’aider à la chute d’un roi, elle a ouvert le pays à l’ennemi, et nous avons vu le moment où cette monarchie piémontaise, qui s’est faite peu à peu aux pieds des Alpes pour séparer la France de l’Autriche, allait s’écrouler. Tant et de si douloureuses leçons auraient dû convertir le parti démagogique ; mais la démagogie est sourde et aveugle, et elle semble, en Piémont, vouloir reprendre, après Novarre, le jeu qu’elle a joué avant. Quelles ruines lui reste-t-il donc à faire ? Veut-elle détruire la tribune constitutionnelle et libérale qui est encore debout à Turin ? Le libéralisme en Italie n’aurait plus nulle part la parole. Ce serait une grande joie, car ce que la démagogie déteste le plus, c’est le libéralisme. Avec le despotisme, la démagogie espère toujours ; une insurrection peut lui rendre le pouvoir. Le libéralisme, au contraire, ruine la démagogie par sa base. De là la haine de la démagogie pour le libéralisme ; de là, à Turin, l’opposition folle et misérable que la majorité de la chambre des députés fait au ministère libéral de M. d’Azeglio.

La démagogie piémontaise croit-elle par hasard que, si elle renversait le ministère Azeglio, elle pourrait s’emparer des finances ? Ce serait comme à No-