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jeunes gens pourvus du même diplôme et se croyant tous des droits égaux à toutes choses. Figurez-vous tout cela, et vous n’aurez encore qu’une idée imparfaite de ce foyer d’espérances passionnées, de vanité indomptables, d’illusions et de chimères que tient sans cesse allumé pour le plus grand repos de la société, l’éducation publique de France. Pour que ce tableau approche de la vérité, il faut encore s’imaginer que, bien que nominalement répandue sur toute la surface d’un grand territoire, cette éducation soit pourtant organisée de telle manière qu’elle n’existe d’une façon réelle, complète et brillante qu’au sein d’une capitale d’un million d’hommes. Il faut s’imaginer qu’elle agit comme une sorte d’aimant pour attirer vers cette capitale, dès l’âge de douze ou quatorze ans, tous les enfans qui semblent promettre à la prévoyance de leurs maîtres ou simplement aux illusions de leurs parens quelque germe de mérite à développer. Il faut supposer dès-lors que cette éducation s’accomplît au bruit des agitations d’un grand centre politique, et que c’est sur le pavé d’une grande ville qu’elle dépose son contingent annuel. Enfin, ce ne sera rien encore : la mesure ne sera comblée que quand vous aurez ajouté que l’ambition, déjà inoculée aux jeunes gens par le mode comme par le théâtre de leurs leçons, leur est communiquée, comme par contagion, dans l’exemple de leurs maîtres, que le corps enseignant lui-même en est travaillé à tous ses degrés, et qu’un cours de sixième semble souvent au jeune agrégé qui le remplit le marche-pied de la tribune politique. Alors, si vous prenez en considération le petit nombre d’hommes de génie dont il plaît à Dieu d’honorer un siècle, et le petit nombre de premiers ministres que la constitution la plus démocratique comporte, vous comprendrez comment on s’y prend pour faire, non pas une république de sages à la mode de Platon, mais une nation de médiocrités mécontentes.

Ce tableau paraît-il chargé ? Malheureusement nous ne le pensons pas. Essayons de suivre, dans quelques détails, les divers degrés de l’éducation publique en France.

Nous dirons peu de mots de l’éducation primaire ; le mal est saignant, pour ainsi dire ; il a frappé tous les yeux. Le rapport de la commission de l’assemblée est à cet égard d’une éloquence qui dispense de tout commentaire. La France entière s’est épouvantée, lorsqu’elle s’est aperçue que la grande masse des instituteurs primaires était profondément imbue de principes révolutionnaires, et que par conséquent toutes les sources où les nouvelles générations populaires allaient puiser leur vie intellectuelle étaient empoisonnées par avance. Le fait était effrayant et ne pouvait être dissimulé. Bien des gens s’en sont émus jusqu’au point de douter si l’instruction, répandue sur une si échelle, était véritablement un bienfait. À notre avis, le mal qui s’est produit là n’était qu’une face plus saisissante et plus sensible du vice