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nous le pensons. Il n’y a que la candeur chrétienne qui puisse mettre la science en harmonie avec la simplicité rustique. Ce sont les jeux favoris de la religion que de donner tour à tour la raison élevée des idées simples et la forme simple des idées élevées. Aussi, il faut bien le reconnaître, partout où la religion a mis son empreinte sur l’instituteur primaire, elle a donné à l’instruction populaire une autorité et une paix qu’aucune institution laïque ne pourra jamais égaler. Mais, s’il n’est pas possible a des institutions laïques d’éviter complètement ce désaccord entre les connaissances élevées nécessaires à l’instituteur et la condition de sa destinée, c’était une raison de plus pour ne pas l’exagérer artificiellement. Vous êtes obligé de donner à l’instituteur des lumières supérieures à l’emploi qu’il doit faire de sa vie, ne lui donnez pas au moins des habitudes qui soient contraires. Ne l’élevez pas sans nécessité, pendant les années de la jeunesse où se reçoivent les plus fortes influences, à ces champs qui l’ont vu naître et qui doivent le voir mourir ; que son enfance s’écoule là même où il doit plus tard instruire celle de autres, que ses jeux aient pour témoins les mêmes lieux où il doit plus tard faire entendre ses leçons ; en un mot tâchez que l’instituteur soit de la commune et ne s’en soit guère éloigné. Rétablissez ainsi, autant que vous le pourrez, le rapport entre l’emploi de la jeunesse et celui de l’âge mûr, entre le but et le moyen, que les écoles normales primaires ont achevé de détruire, et nous croyons que ce sera déjà un pas de fait pour atténuer le mal effrayant qui corrompt tous les bienfaits de l’instruction populaire.

Le rapport de la commission, dont nous venons de parler, paraît avoir entrevu cette idée ; mais il entre dans peu de détails sur les moyens pratiques de la mettre à exécution. Nous essaierons peut-être, dans un prochain travail, de les établir avec un peu plus de précision. Pour le moment, qu’il nous suffise d’avoir indiqué où réside le véritable mal de l’instruction primaire. Ce mal ne se borne pas là, nous l’avons dit : nous allons le retrouver d’étage en étage, accompagné partout des même effets. La trace, douloureuse que l’éducation des écoles normales primaires laisse chez les instituteurs, l’éducation secondaire des collèges, l’éducation supérieure des facultés, l’impriment sur la presque totalité de la classe moyenne de France. Paris est pour les uns ce que le chef-lieu de département es pour les autres ; le résultat est le même : une vanité froissée qui dégénère ici en un brutal socialisme, et produit là cet esprit d’opposition qui provoque et accueille avec joie les révolutions.

Ce n’est pas pourtant sans quelque timidité que nous abordons cette grande question de l’éducation secondaire, à laquelle se rattachent toute la gloire littéraire et, jusqu’à un certain point, la civilisation de notre pays. L’éducation de nos collèges consiste, on le sait, principalement