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pas de plus relevée que l’éducation littéraire. C’est peut-être pour cela qu’elle n’est pas faite absolument pour tout le monde. Le monde moral et physique a été créé de telle sorte qu’en tout genre il n’y a pas beaucoup de places sur les sommets.

En attendant, le mal existe : des milliers de jeunes gens sortent tous les ans des collèges de France, n’ayant rien appris du tout, ni connaissances élevées, ni connaissances pratiques, n’étant bons à rien, dans toute la brutalité du terme. Ils en sortent avec une habitude de paresse enracinée, car, depuis trois ou quatre ans qu’ils ont perdu le fil et désespéré de le rattraper, ne rien faire est devenu chez eux comme une sorte de parti pris et parfois même de point d’honneur. Mais le peu de littérature qu’ils ont appris erre encore devant leur cerveau comme des images confuses, détachées d’une sphère brillante qui les détourne de toute perspective moins sublime. Ils ont appris à regarder en haut, sans savoir faire un pas pour monter. Qu’on juge quel élément de perturbation dans une société que cette infusion annuelle d’un ou deux milliers d’hommes, la plupart dépourvus de moyens réguliers de subsistance, pleins de l’âpre sève de la jeunesse livres sans remords à cette oisiveté qui attise, loin de les apaiser, les passions d’un âge périlleux ! C’est un liquide élevé au-dessus de sa pesanteur naturelle, qui, avant de tomber au fond, troublera long-temps la surface. Encore si, incapables comme ils le sont, ils étaient au moins reconnus pour tels et forcés de se rendre justice ; si l’examen qui termine l’enseignement classique était sérieux, si le diplôme qui leur est donné à la suite de cet examen était distribué avec une juste réserve, de manière à attester des connaissances véritables, convaincus par des juges compétens, ils pourraient ronger leur frein avec désespoir, mais ils n’auraient au moins aucune prétention à élever ni aucun droit à faire valoir ; ils n’auraient rien à demander à la société, et, si elle ne faisait rien pour eux, ils n’auraient aucun titre pour se plaindre d’elle. En est-il bien ainsi ? L’examen qu’il faut subir à la sortie des collèges, ce fameux baccalauréat ès-lettres dont on a fait tant de bruit, est-il, peut-il être un examen sérieux ? Il suffit d’en parcourir le programme pour se convaincre du contraire. Destiné à couronner huit à neuf ans d’étude, cet examen est nécessairement très étendu : il embrasse la presque totalité des connaissances humaines ; il suppose l’étude détaillée de tous les auteurs de l’antiquité ; il descend chronologiquement la série des dates de toutes les histoires de tous les pays, depuis l’origine du monde : la géographie de toutes les contrées, à toutes les époques, en est nécessairement le corollaire. Suit un vaste appendice de connaissances naturelles, physiques et mathématiques. Pour interroger et répondre sur cet océan de matières, l’examinateur et l’examiné ont bien à passer ensemble environ la durée d’un quart d’heure. Parmi