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1850, il faut ajouter pour le compte de l’état, 103 millions à dépenser en travaux extraordinaires. Sur cette somme, le ministère des travaux publics absorbe 91 millions à lui seul, dont 66 millions sont destinés à l’établissement des grandes lignes de chemins de fer ; c’est ce budget de l’extraordinaire qu’il me paraît indispensable de modifier de fond en comble.

Je voudrais d’abord que l’état ajournât tous les travaux qui n’ont pas un caractère de nécessité et d’urgence. Pourquoi consacrer, en 1850, 7 millions aux lacunes ou aux rectifications de routes dans un pays où ce qui manque aujourd’hui, c’est non pas le développement, mais le bon entretien des routes ? Ne peut-on pas réduire de moitié les 15 ou 16 millions que l’on destine aux ports et à la navigation fluviale ? Et quelle utilité y a-t-il pour la France à entrer plus avant dans l’exécution de ce système absurde à force d’être dispendieux, qui consiste établir partout un canal parallèlement à un chemin de fer ?

Sur le crédit de 66 millions demandé pour les grandes lignes de chemin de fer, 29,100,000 francs sont réclamés pour la seule ligne de Lyon, qu’il s’agit d’ouvrir à la circulation, en 1850, jusqu’à Châlons-sur-Saône. En même temps, le gouvernement propose par une loi de concéder cette grande artère à une compagnie qui, moyennant l’abandon des travaux déjà exécutés, se chargerait de prolonger le chemin de fer depuis Tonnerre jusqu’à Lyon, et depuis Lyon jusqu’à Avignon. En supposant que le projet soit adopté, et il doit l’être, voilà donc une dépense de 29 millions retranchée du budget extraordinaire.

On pourrait supprimer encore une dépense de 10 millions, en mettant à la charge des compagnies de Tours à Bordeaux, et de Tours Nantes, les travaux qui resteront encore à la charge de l’état, à partir du 1er janvier 1850, moyennant une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans, et la garantie de l’état pour les intérêts de l’emprunt que ces compagnies auront à contracter. Que l’on emploie ensuite les troupes, concurremment avec les ouvriers civils, à l’achèvement des lignes de Paris à Strasbourg et de Chartres à Rennes, et le trésor, soulagé du fardeau qui l’accable aujourd’hui, pourra s’établir enfin dans la terre promise de l’équilibre.

Il s’agit d’exonérer l’état, non pas seulement d’une dépense de 40 à 45 millions en 1850, mais encore d’une dépense qui peut s’élever pour l’avenir à 350 ou 400 millions. L’état, qui n’est appelé, dans aucun cas, à exploiter d’une manière permanente les chemins de fer ne doit exécuter que ce que les compagnies sont hors d’état d’entreprendre. La révolution de février a égorgé les compagnies : elles renaîtront, si on les encourage, et il faut les encourager ; car, si les associations privées ne viennent pas désormais partager le poids des engagemens de l’état, le ministre des finances n’a plus qu’à faire ses paquets et qu’à mettre la clé sous la porte.