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le partage de la pologne.

part. Au surplus, pour mettre tout au pis, et en supposant, contre toute vraisemblance, que ces quatre puissances s’arrangeraient pour partager la Pologne, ou que, par des circonstances extraordinaires, l’une d’elles s’emparerait de quelqu’une de ses provinces, il est encore très douteux que cet événement pût intéresser la France. On semble craindre aujourd’hui que la Russie et le roi de Prusse ne s’entendent pour usurper sur la Pologne des districts qui sont à leur bienséance ; ce démembrement serait également contraire aux intérêts de la maison d’Autriche et de la Porte ottomane, et l’on doit s’en rapporter à leur vigilance ; mais, s’il arrivait qu’une indifférence mal entendue de leur part les empêchât d’y mettre obstacle, il ne paraît pas que la France dût s’en alarmer. Le concert établi récemment entre le roi de Prusse et la Russie, pour leur agrandissement respectif, ne peut être de longue durée. Cet agrandissement, même en les rendant plus voisins, les rendrait aussi plus redoutables l’un à l’autre, il sèmerait la jalousie entre eux ; la jalousie dégénère bientôt en inimitié, et ces deux puissances formeraient elles-mêmes la balance du pouvoir dans cette partie de l’Europe. Au reste, cette idée du démembrement de la Pologne serait susceptible d’une infinité de modifications et de combinaisons dont le détail mènerait trop loin. C’est un champ vaste qui peut occuper les spectateurs oisifs, et dans lequel les politiques sages ne doivent pas risquer de s’égarer. Il faut s’en tenir au simple, au vrai et au vraisemblable, et l’on croit avoir suffisamment prouvé que les révolutions de la Pologne sont indifférentes à la France, et qu’il n’en peut jamais résulter pour elle qu’un avantage ou un préjudice très éloigné, en se livrant même aux suppositions les plus vraisemblables. L’on se croit donc en droit de conclure qu’il n’existe aucun rapport direct entre la France et la Pologne, et que, s’il peut y avoir un intérêt direct entre ces deux monarchies, il est si détourné, si obscur, si incertain, et dépend d’un concours de circonstances si extraordinaires et si éloignées, qu’il ne serait pas sage de s’en occuper de préférence à d’autres objets réels et présens, qui méritent toute l’attention du roi et de son ministère, et qui exigent des dépenses vraiment utiles et même indispensables pour la propre conservation de la monarchie française. L’on ne doit pas dissimuler à ce sujet que, si sa majesté se déterminait à porter un candidat quelconque sur le trône de Pologne, si elle ne doit pas espérer de réussir, à moins d’y sacrifier des sommes considérables, les moyens politiques n’étant d’aucun effet s’ils ne sont soutenus par ceux de la finance. Les dépenses ne se bornent pas à la seule élection. Nous avons l’expérience qu’un roi de Pologne élu légitimement n’est pas sûr de rester sur le trône s’il n’est puissamment secouru ; et qu’il est encore plus facile de déterminer son élection que de la soutenir, en sorte qu’il est à craindre de compromettre en vain la dignité du roi et ses finances dans une occasion ou, en employant même les plus grands moyens, le succès est pour le moins très incertain. D’ailleurs, on ne pourrait pas répondre qu’un objet indifférent pour le royaume ne vînt à exciter de nouveaux troubles en Europe, et ne rallumât le feu d’une guerre générale qu’on a eu bien de la peine à éteindre, et dont il parait essentiel d’éviter le renouvellement. »

Telle était alors la politique du gouvernement français à l’égard de la Pologne. Elle a été réprouvée par l’opinion et par l’histoire ; mais