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mais il ne défend pas précisément de chasser (hunting), pourvu que ce soit sans fusil. En conséquence, on a recours au lacet et à d’autres engins destructeurs, et l’on prend le gibier à la barbe des agens de la police On a dressé des chiens du pays pour faire la chasse au kangarou : ces animaux, qu’on croirait issus du croisement du dogue et du renard, ne coûtent rien à nourrir dans un pays où la viande de boucherie est à très bas prix ; aussi se sont-ils multipliés à l’infini. Dans les familles, chacun élève son chien ; on en rencontre fréquemment sept ou huit dans une seule maison. Ces chiens flairent et dépistent le kangarou ; ils s’acharnent à sa poursuite pendant des journées entières ; enfin ils le saisissent à la gorge mais malheur à eux s’ils n’ont pas su éviter l’atteinte des puissantes griffes dont sont armées les pattes de derrière de ce quadrupède ! Toutefois l’instinct, fortifié par l’éducation qu’on leur donne, leur apprend à se soustraire à ces défenses formidables, et le kangarou est habituellement égorgé sans avoir pu en faire usage. Quand il est gisant à terre, les chiens reviennent vers le chasseur, tranquillement assis à l’endroit d’où ils sont partis. Celui-ci examine leur gueule, et, s’il la voit tachée de sang, c’est le signe évident que le gibier est abattu. Il se lève alors, et les chiens le guident jusqu’au théâtre de leur combat et de leur victoire. C’est ainsi que la population ouvrière des villes emploie ses heures de loisir. Le soir, les heureux chasseurs rentrent à la ville, portant l’un une brochette de cailles et de bécasses ; l’autre, des poules d’eau, des canards sauvages et des cygnes noirs et blancs, dont le duvet est estimé par les ménagères ; celui-ci, un kangarou, dont la queue seule pèse de huit à dix livres, et ils défilent ainsi devant les constables, vainement armés l’une loi trop peu précise.

En 1846, les colons de l’Australie du sud ont découvert aux environs d’Adélaïde des mines de cuivre. Cette trouvaille a produit parmi la population une excitation extrême, et a tourné bien des têtes. Les journaux et les correspondances du pays ont remplis, pendant un certain temps, de détails sur ce qu’on appelait alors, en Australie la folie des mines, » mining mania. Comme à San-Francisco, en Californie, les habitans d’Adélaïde ont quitté la ville en masse, chargés des outils du mineur, et ils se sont répandus dans la campagne à la recherche du métal, l’imagination pleine de rêves de fortune éclatante et subite. Il fallait les voir errant autour des mines, le cou penché, l’œil fixé à terre dans l’espoir d’apercevoir de nouveaux filons. Souvent ils rapportaient de lieues à la ronde de lourds cailloux, qu’ils prenaient pour des échantillons de minerai. Vérification faite, on reconnaissait que ce spécimen était une pierre sans valeur détachée d’un rocher, et recouverte, par un caprice de la nature, d’une substance verdâtre. La majeure partie des colons s’est trouvée intéressée dans des mines qui n’existaient pas. Le gouvernement a vendu un prix fou des terres stériles, dont on se disputait la possession, sur la foi des annonces de journaux qui y plaçaient arbitrairement une mine. C’était quelque chose de plaisant que le mystère dont chaque habitant entourait ses démarches, afin de ne révéler à personne le secret de prétendues veines de cuivre dans des terres qui n’en avaient jamais contenu. Quand la population, un moment saisie de vertige, a recouvré son sang-froid et sa raison, bon nombre de familles étaient déjà complètement ruinées.

Au demeurant, des mines de cuivre, peu nombreuse, peu étendues, mais