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des troupeaux et des pâturages. Comme me disait un jour Mohamed-Legras : « Le Tell est notre père, celui qui l’a épousé est notre mère, » ou bien encore, selon le dicton des tribus nomades, « nous ne pouvons être ni musulmans, ni juifs, ni chrétiens, nous sommes les amis de notre ventre. »

Les premiers plateaux du Sahara, nommés Serrsous, sont une succession de mamelons d’une hauteur presque égale, qui se suivent sur une immense étendue ; on dirait la houle de la mer fixée à ces sommets par une main toute-puissante. Là, entre chaque gonflement de terrain, coulent des sources d’eau vive, et s’étendent de gras pâturages à l’herbe courte et épaisse qui nourrissent ces brebis si renommées pour leur chair et pour leur laine. Plus loin, au-delà du premier horizon de montagnes, à une vingtaine de lieues des montages du Tell, commence le vrais Sahara ; là, nous disait-on, le voyageur rencontrait de vastes plaines vides et dénudées, des montages arides, des oasis aux palmiers élancés, d’autres terres où, vers le printemps et pendant l’hiver, on trouve encore des pâturages pour les troupeaux ; puis plus loin, bien loin, le pays mystérieux, les sables.

Les populations qui habitent ces hauts plateaux sont surtout guerrières et nomades. Chaque année, elles s’enfoncent dans les régions du sud, emportant toute leur fortune sur des milliers de chameaux, lorsqu’elles ont achevé leur provision de grain dans le Teil. Or, le printemps arrivait ; avec le printemps, les Harars commençaient à paraître, et c’était chez l’un d’eux que nous allions chercher le plaisir d’une chasse au faucon.

Tout était prêt à notre arrivée. Les cavaliers montaient ces jumens rapides si estimées par un bon musulman, car, lorsque Dieu voulut créer la jument, disent les ulémas, il a dit au vent « Je ferai naître de toi un être qui portera tous mes adorateurs, qui sera chéri par tous mes esclaves, et qui fera le désespoir de tous ceux qui ne suivront pas mes lois, » et il créa la jument en s’écriant : « Je t’ai créée sans pareille ; les biens de ce monde seront placés entre tes yeux ; tu ruineras mes ennemis ; partout je te rendrai heureuse et préférée sur tous les autres animaux, car la tendresse sera partout dans le cœur de ton maître ; bonne pour la chasse comme pour la retraite, tu voleras sans ailes, et je ne placerai sur ton dos que des hommes qui me connaîtront, me feront des prières et des actions de graces, des hommes enfin qui m’adoreront. »

Les chefs avaient la main droite garantie par un gant nommé smègue. Ce gant n’a pas de doigts. Les élégans le porte en peau de tigre ou de panthère. Là-dessus se perche le faucon ; souvent même un deuxième et un troisième trouvent place, l’un sur l’épaule, l’autre sur les cordes en poil de chameau qui entourent les haiks de la tête. À