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coquille renversée. Un minaret vous avertit que vous approchez de la ville, qu’une petite colline cache à tous les yeux. Du haut de la dune sablonneuse, ses jardins aux dix mille palmiers, enfoncés dans un étroit ravin de deux lieues de long, apparaissent comme un ruisseau de verdure entre deux rives de sable. Les habitans avaient pris la fuite ; mais sur le minaret l’on voyait briller les canons des fusils : c’étaient quelques fanatiques voulant mourir à la guerre sainte, qui, pour se faire tuer, tirèrent sur la compagnie d’infanterie engagée d’occuper le ksour. La colonne bivouaqua au sud, passant entre la ville et un marabout d’une architecture élégante. Qui avait pu le construire en ces terres lointaines ? Sans doute quelque prisonnier chrétien : les croix grecques incrustées dans les ornemens nous le firent supposer. Le ksour ressemble à une citadelle. Entouré par un large fossé, par de bonnes murailles en pisé, n’ayant que deux issues, Bou-Semroun pouvait braver les pillards, et dans ces ruelles étroites, dans ces maisons à deux étages, les marchandises, les grains et les richesses des tribus nomades se trouvaient en sûreté. Fort heureusement les habitans insoumis n’avaient point songé à se défendre, car il eût fallu la sape et la mine pour venir à bout de leur forteresse ; leurs portes ouvertes nous avaient permis de courir à leurs maisons, dont quelques-unes, celles qui donnent sur le ravin, sans doute la demeure des chefs, ont encore une certaine élégance. Notre bivouac et ses maisons mobiles avaient été établis près des jardins. Lorsqu’on avait descendu la pente abrupte, — de l’aridité, de la sécheresse, l’on se trouvait tout à coup transporté au milieu de la fraîcheur, du calme, du repos, près de l’eau abondante et pure d’un ruisseau limpide. Là, chaque champ est entouré d’un mur en pisé solidement construit ; là, une serrure en bois protège le brin d’orge de l’habitant du ksour, ses grenadiers, ses figuiers, sa verdure. Là s’élancent vers le ciel ces radiées énormes de palmiers dont les têtes se rejoignent dans les airs. — C’était un parc magnifique pour nous reposer de nos fatigues, des jardins qui nous fournissaient des légumes frais, — précieuse ressource après une si longue route, — et l’orge verte pour nos chevaux, sans compter ces cannes de palmier que chaque fantassin s’empressa de couper en souvenir de notre course du sud. À notre grande joie, on séjourna près de ces beaux lieux une semaine entière, et pendant cette halte nous avions cherché plaisirs et amusemens nouveaux. Le repos pour nous était une fatigue ; il nous fallait du mouvement. Aussi un soir, à son de trompe, comme sur une place de village, un grand steeple chase fut annoncé pour le lendemain dans les jardins de Bou-Semroun. Le général, la première autorité, M. le maire de l’endroit, fut invité, selon l’antique usage, à présider la fête. Tout le camp s’y rendit, les élégans à cheval, le modeste troupier la canne à la main ; une cantinière nommée Reine de Beauté devait