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même d’une voix forte aux maraudeurs qui pouvaient être tentés de l’attaquer :

« Ô esclaves de Dieu, vous entende, celui qui tourne autour de nous tourne autour de la mort !

« Il n’y gagnera rien et ne reverra pas les siens !

« S’il a faim, qu’il vienne, nous lui donnerons à manger !

« S’il a soif, qu’il vienne, nous lui donnerons à boire !

« S’il est nu, qu’il vienne, nous le vêtirons !

« S’il est fatigué, qu’il vienne se reposer !

« Nous sommes des voyageurs pour nos affaires et nous ne voulons de mal à personne. »

Grace à toutes ces précautions, l’on arriva heureusement jusqu’à l’Oued-el-Hameur, le rendez-vous des voleurs et des coureurs d’entreprises. En ce lieu, la vigilance fut plus grande encore, et Cheggueun dit aux voyageurs :

« Ne parlez que très bas, ou ne parlez point du tout. C’est ici qu’on peut dire : Le silence est d’or.

« Liez la bouche de vos chameaux, et, quand ils seront couchés, évitez de passer auprès d’eux, pour que les mugissemens qu’ils pousseraient à la vue de leurs maîtres ne donnent point l’éveil à l’ennemi.

« Il faudra, cette nuit, vous contenter de dattes ; nous ne ferons point de feu, nous n’irons point à l’eau ; les traces de nos pas pourraient nous déceler, si même des espions embusqués ne nous voyaient pas ; ne battez pas le briquer, les étincelles nous trahiraient ; ne fumez point, la fumée du tabac s’évente à de grandes distances, quelques hommes la sentent à deux ou trois lieues.

« Préparez vos armes, et que tout le monde veille, car les voleurs disent :

La nuit, c’est la part du pauvre,
Quand il est courageux. »

De halte en halte, la caravane atteignit à Guclea, à sept journées de Timi-Moun, l’une des villes de la grande oasis du Touat. Là, pendant de longs jours, elle se repose sous les ombrages des palmiers dans les jardins délicieux où, chaque soir, cette population aux mœurs faciles vient chercher la fraîcheur et la joie. Là, les vieillards disent à ceux du printemps : Allez, allez, jeunes gens, vous amuser avec les jeunes filles. À Guclea, l’hospitalité est une règle pour tous, et la veille du départ Bou-Bekeur, l’un des habitans, réunit les voyageurs dans un repas d’adieu.

Comme ils demandaient à leur hôte de leur faire amener son fils, enfant plein de grace et de vivacité : — Il dort d’un profond sommeil, leur répondit Bou-Bekeur ; — et ils n’insistèrent pas davantage.

« Le repas fut abondant, les causeries très animées ; on y parla beaucoup des chrétiens et de la guerre ; on disait que les armées étaient innombrables comme le vol d’étourneaux en automne, les soldats ensemble, alignés comme