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Radama mourut ; un parti se trouva tout formé, ardent et appuyé sur les entrailles mêmes de la population, qui exigeait l’expulsion de ces étrangers, apôtres d’une croyance nouvelle et impie ; c’était le parti prêtre, le représentant du culte antique, le défenseur de la foi des anciens jours. Les chefs de ce parti entourèrent le lit où Radama venait d’expirer ; ils firent parler le mort et proclamèrent, pour son successeur à l’empire, la reine Ranavalou, sa veuve. Ranavalou s’incarna pour ainsi dire, dans le parti qui lui conférait des pouvoirs divins ; ses arrêts furent des oracles, ses jugemens des jugemens de Dieu, ses caprices la volonté du destin. Elle disposa à son gré des biens, de la vie, de la conscience de ses sujets. Les Européens ne pouvaient partager la crédulité nationale : leur expulsion devint une maxime d’état ; mais il fallait y arriver sans attirer sur Tananarivou les foudres de l’Europe. Les caprices, les impatiences de la femme habituée à tout fouler sous la poussière de ses pieds étaient à redouter ; ce fut le chef d’œuvre de Rainiharo, son premier ministre et son confident intime d’imprimer à ce pouvoir sans bornes un caractère de suite et de persévérance qui a produit tous ses fruits. Le règne de Radama avait été une époque de gloire guerrière ; il brisait toute résistance : c’était le gouvernement du sabre. Ranavalou Mandjaka a inauguré le règne d’une politique sombre ; qui frappe moins les yeux, mais qui enfonce plus profondément les racines des empires. Elle poursuit avec une persistance inexorable le but de Radama, la domination universelle de Madagascar ; elle y emploie et les expéditions militaires, et les négociations, et la perfidie, et la corruption, et tous les moyens d’influence ; elle ne recule devant rien. Son arme la plus puissante ; c’est le tanghin. Elle promène sans cesse la mort sur toutes les têtes ; quiconque est riche ou peut-être dangereux est soumis à cette épreuve terrible, et les oracles ne manquent jamais de trouver coupable l’homme dont la dépouille est enviable. Telle est la terreur mystérieuse dont elle a su frapper ses sujets, que pas un de ses agens ne lui a été infidèle. Tout plie devant son redoutable pouvoir ; les tribus qui n’ont pas voulu reconnaître son joug sont dispersées au milieu des forêts ; éperdues, sans chefs, sans appui, sans lieu de ralliement, elles errent aux bords de la mer, où se sont réfugiées dans les îlots voisins de la grande terre.

Cependant, l’armée de Radama n’existe plus, et la puissance des Hôvas perd chaque jour de ses moyens de résistance contre les armes de l’Europe. Ce pouvoir, d’ailleurs si habilement fondé, si irrésistible dans son action intérieure, se trouve déjà miné sourdement. Les gardiens des idoles n’ont fondé leur autorité qu’en écartant la noblesse et en proscrivant la religion chrétienne, et voici que la noblesse conspire avec l’Evangile le renversement du parti des idoles. On se réunit en