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Mais, la blessure à peine faite, il faudrait s’empresser de la panser. Il faudrait ouvrir aussitôt des perspectives nouvelles à ceux qui, après avoir tenté une ou plusieurs fois la fortune, se seraient vu fermer la carrière littéraire. Il faudrait leur faire voir qu’il y a d’autres moyens d’assurer sa vie et peut-être de monter à la renommée. Ce qui a manqué jusqu’ici à tous les essais d’éducation professionnelle, usuelle, intermédiaire (on prendra le nom qu’on voudra), ce n’est pas seulement la petite contrainte nécessaire pour décider la jeunesse à s’en contenter : c’est un motif d’attrait ou d’espoir quelconque. Tandis que l’enseignement littéraire conduit au diplôme de bachelier ès-lettres, qui est exigé pour toutes les fonctions publiques et pour le plus grand nombre des professions libérales, les écoles ou les classes d’éducation intermédiaire qu’on a tentées soit d’établir sous le nom d’école primaire supérieure, soit en dernier lieu de greffer dans les collèges, n’ont jamais eu, si on ose ainsi parler, de débouché naturel. Ceux qui se résignent à les suivre n’ont droit, en les quittant, à aucun titre régulier. Le temps qu’ils y ont passé, les connaissances qu’ils ont pu acquérir, n’étant constatés par aucun diplôme, sont nuls et non avenus pour le public. Le dire commun dans les collèges, c’est que cette éducation ne mène à rien. Il n’est pas étonnant alors que personne ne se porte de ce côté, et que ces classes deviennent le rebut et comme le caput mortuum du collége. Supposons, au contraire, que dans chaque collège de plein exercice, à côté de l’éducation littéraire, un plan régulier d’éducation intermédiaire soit établi, au bout duquel soit donné, après un examen sérieux aussi un diplôme, non pas égal en droit, mais pareil en forme au baccalauréat ès-lettres ; supposons que ce diplôme soit reconnu par l’administration comme formant une aptitude à certaines fonctions publiques d’un ordre inférieur, cette éducation ayant ainsi son but et sa récompense, ne tarderait pas à être recherchée. Elle recueillerait, outre ceux qui s’y consacreraient naturellement et par choix, tous ceux qui auraient été rebutés par les difficultés de l’éducation littéraire. Au lieu de penser à arriver de plein saut aux positions supérieures par l’éducation littéraire, on se flattera d’y monter plus tard par un avancement hiérarchique. Ce sera une espérance légitime et une consolation. Le programme de cette éducation intermédiaire devrait être composé d’une partie fixe comprenant les langues vivantes, l’histoire de France, les sciences physiques, naturelles et il mathématiques jusqu’à un certain degré, et d’une partie mobile appropriée, sur l’avis des autorités du département par exemple, aux besoins particuliers de populations. En outre, un certain temps devrait être réservé à chaque élève pour se livrer aux études proprement relatives à telle ou telle profession qu’il désirerait particulièrement embrasser. De cette sorte, on établirait, en regard de l’éducation littéraire, une éducation rivale moins brillante, mais aussi sérieuse, qui aurait