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peut, dès-lors, prétendre à une part de l’attention de son maître. Il n’y a plus de paresseux de profession pour troubler une classe entière et user l’autorité magistrale en sévérités inutiles et constantes. L’éducation littéraire reçoit déjà par cela seul plus de force. Déchargé de cette lie, son cours doit devenir plus clair et profond. Mais ce n’est pas assez de cette amélioration qui doit se faire d’elle-même. L’éducation littéraire ne produira en France les heureux fruits qu’elle peut porter et qu’on est aujourd’hui excusable de méconnaître qu’autant qu’elle sera couronnée par une véritable éducation supérieure. C’est ce couronnement indispensable qu’on ne saurait trop se hâter de lui donner.

J’appelle éducation supérieure, comme le précédent article a déjà essayé de le faire comprendre, celle qui, — saisissant l’esprit du jeune homme au moment où il possède déjà des connaissances précises, mais froides et peu vivantes, où les faits historiques sont rangés par ordre dans sa mémoire, où il tient le fil des détours des langues anciennes, où il sait manier le délicat instrument du style, — vient répandre sur tous ces élémens encore confus les vives lumières de la critique et de la philosophie. J’appelle encore éducation supérieure celle qui élève l’intelligence jusqu’à ce centre commun d’où l’on voit se détacher toutes les sciences, et la civilisation se développer harmonieusement par leur concours, comme la résultante de leurs forces équilibrées. J’appelle éducation supérieure celle qui éclaire l’histoire des peuples par leur littérature et qui explique leurs institutions par leur histoire, celle qui rattache aux lois éternelles et philosophiques de la matière les propriétés physiques du corps ou leurs affinités chimiques, celle enfin qui, pénétrant dans l’intérieur de l’être humain, sépare le sentiment spirituel de la sensibilité animal et éclaire ainsi la fois le médecin sur les phénomènes de la santé et le moraliste sur les passions de l’ame. Cette éducation supérieure ainsi comprise, qui a pour but d’établir un lien commun entre toutes les sciences et de les féconder l’une par l’autre, nous l’avons vu, elle n’existe pas aujourd’hui en France, et ce qu’il y a de plus triste à dire, c’est qu’il n’y a qu’en France, et de nos jours, qu’elle n’existe pas. Les universités d’Angleterre et d’Allemagne, celle même de la petite ville de Genève, sont plus avancées que nous à cet égard, et la Sorbonne de l’ancien régime pourrait en remontrer, sur ce point, à l’académie de Paris du nouveau. La scholastique et l’encyclopédie, Abailard et Diderot, s’élèveront au dernier jour contre notre génération pour nous demander ce que nous avons fait de l’esprit généralisateur et du génie universel par excellence de la France. Le plus fâcheux effet d’une telle lacune est doter, pour ainsi dire, sa raison d’être l’éducation littéraire. C’est l’éducation supérieure qui est chargée de montrer l’heureuse influence des lettres sur toutes les branches de l’esprit humain. Privée de l’éducation