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du fret, qui a été notablement réduit. Or, là est toute la question, et c’est de l’influence d’une pareille réduction qu’il importe de se rendre compte.

Pour mieux préciser la portée de cette influence, il nous suffira de citer quelques faits. Le département du Haut-Rhin, l’un des foyers les plus actifs de l’industrie nationale, consomme annuellement près de 100,000 tonnes de bouille, qu’il tire presque toute de Saint-Etienne, par un transport de cinq cent cinquante kilomètres. Une diminution de 10 francs sur le prix de revient de la tonne de houille à Mulhouse équivaudrait à une subvention annuelle de 1 million pour l’industrie de la Haute-Alsace ; la production en serait ranimée au grand et commun profit de l’ouvrier, du consommateur et du trésor public. Eh bien ! cette réduction est possible, elle est facile ; elle peut être promptement obtenue, et avec tant de certitude, que, dans le mois de décembre 1847, les principaux manufacturiers du Haut-Rhin, réunis à Mulhouse, décidaient d’offrir à l’état leur concours pécuniaire pour en hâter la réalisation.

L’industrie du fer languit et succombe dans la Haute-Marne ; le haut prix de la houille (de 55 à 60 francs la tonne) n’y permet plus la lutte, et, résultat bizarre, mais certain, les bois mêmes s’y déprécient de tous les frais à faire pour porter au loin, dans les usines où elle puisse être transformée en fer à des conditions abordables, la fonte au charbon de bois[1]. Eh bien ! on peut faire baisser la houille de plus de 30 francs par tonne à Saint-Dizier, et par le moyen qui en réduirait le prix de 10 francs à Mulhouse. Ce sont les principaux maîtres de forges de la Haute-Marne qui le reconnaissent. Aussi proposaient-ils, à la fin de 1847, d’appeler les intéressés à concourir au résultat dans la proportion de 10,000 fr. par chaque haut-fourneau, de 10,000 fr. par chaque mille tonnes de fer fabriqué, de 6 fr. par hectare de bois. L’industrie du fer serait ainsi sauvée dans les lieux mêmes où elle a connu des jours si prospères et où elle avait jeté de si profondes racines.

De toutes les nations avec lesquelles elle est engagée dans les luttes industrielles et commerciales, la France est la plus mal servie par le système de ses communications intérieures. Les distances y sont longues, les hauteurs à franchir élevées. Un autre fait pèse chez elle contre le facile développement de la grande industrie, c’est l’exiguïté relative de ses ressources en charbon minéral. Si on prend le rapport de la superficie des bassins houillers à la superficie totale du territoire pour l’Angleterre, la Belgique et la France, on trouve que leur richesse relative peut être représentée respectivement par 10, 6 et 1. La France n’aurait donc sous ce rapport, toute proportion gardée et en s’en tenant à l’étendue plutôt qu’à la puissance des gîtes de charbon minéral, que le sixième des ressources de la Belgique et que le dixième de celles de l’Angleterre. Des communications intérieures faciles et surtout économiques peuvent seules, non pas effacer, mais atténuer ces différences, dont la charge se multiplie pour chaque produit en raison des masses qui ont contribué à le former. Ainsi, pour l’industrie du fer dont nous parlions tout à l’heure, il faut environ trois tonnes et demie de coke et de minerai pour fabriquer une tonne de fonte ; que chaque tonne ait subi, avant d’arriver à l’usine, un transport moyen de cent

  1. Voir l’excellente Note publiée à Saint-Dizier le 8 décembre 1847 par M. Jules Rozet.