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qui intéressent le plus son commerce et ses approvisionnemens. On est fixé sur les moyens de faire disparaître ce déplorable obstacle, qui comprime l’essor du mouvement sur les canaux de Bourgogne et du Nivernais, et annule ainsi une partie notable de leur valeur. Or, le canal de Bourgogne a coûté 56 millions ; celui du Nivernais, 33 millions ; le perfectionnement de l’Yonne a déjà absorbé 2,800,000 francs, et on le compléterait avec une dépense de 6 millions. Il s’agit donc de 6 millions pour mettre en pleine valeur des travaux dont le coût actuel atteint le chiffre de 92 millions ! Eh bien ! l’Yonne figure au projet de budget de 1850 pour 200,000 fr. À ce compte-là, il faudra trente ans pour terminer un travail qui a tous les caractères d’une extrême urgence ! N’est-ce pas dérisoire ?

Il faut encore dépenser 15 millions pour terminer les travaux entrepris sur la Seine depuis Nogent jusqu’à Quillebœuf. Au projet de budget pour 1850, on porte 3,800,000 francs, qui ne sont en rapport ni avec la grandeur de l’œuvre, ni avec la situation des travaux. Les conquêtes faites sur le fleuve entre Villequier et Quillebœuf présentent d’ailleurs un intérêt agricole considérable, et elles mettront probablement sur la voie d’une opération plus grande à appliquer à la Seine au-dessous de Quillebœuf, et dont l’état paierait largement les frais par la concession d’une partie des terrains conquis.

Les travaux entrepris sur la Mayenne et sur la Sarthe ont aussi un caractère particulier et une grande valeur au point de vue agricole. Il n’y a pas plus de vingt ans que les habitans du Maine et d’une partie de la Bretagne et de l’Anjou se sont mis à appliquer la chaux à l’amendement, des terres sur une échelle constamment croissante. La Mayenne seule y consacre aujourd’hui une somme de plus de 5 millions par an, sans compter les frais de répandage et d’emploi, et le sol rend cette avance avec usure. Les travaux de navigation aujourd’hui entrepris doivent avoir une influence considur ble pour propager cette méthode, en facilitant à la fois la distribution de la chaux et l’exportation des produits. Ces travaux, qui exigent encore une dépense de 8 millions et demi, ne figurent au projet de budget de 1850 que pour 225,000 francs.

Le canal de la Marne au Rhin a déjà coûté 63 millions ; on le terminera largement avec 12, et le ce prix on le mettra facilement dans le meilleur état de navigation. Il a fallu, on en conviendra, que cette grande entreprise fût pourvue d’une constitution bien robuste pour résister aux assauts qu’elle a subis, et pour arriver à l’état d’avancement où elle est parvenue au milieu des attaques aussi vives qu’inconsidérées qui l’ont assaillie, et qui se renouvellent à chaque occasion. Puisque les contradicteurs persistent, rappelons, en passant, que le canal de la Marne au Rhin est le lien nécessaire de tous les grands cours d’eau de la Champagne de la Lorraine et de l’Alsace, que ce bras détaché du Rhin à Strasbourg pour se diriger sur Paris doit faire du Havre le rival privilégié de Rotterdam et d’Anvers pour les rapports de l’Allemagne centrale avec l’Océan, qu’il constitue sur le territoire français le complément de la plus grande et de la plus belle ligne de navigation intérieure que l’Europe puisse posséder[1].

  1. Le canal Louis, joignant le Rhin au Danube, est aujourd’hui terminé ; l’achèvement du canal de la Marne au Rhin tient à quelques kilomètres, et, cela fait, il y a une ligne navigable continue de la Manche à la mer Noire, une ligne partant du Havre pour se diriger par Paris et Vienne sur Constantinople et Odessa.