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confiance, les constituer leurs mandataires. C’est ainsi, par exemple, qu’ils ont fait passer dans un petit collège des montagnes un des coryphées du parti, M. Tecchio, juif et étranger Ce fut le curé du lieu, excellent catholique et fidèle sujet de sa majesté, qui fit l’élection. Le bonhomme n’avait pas pensé à demander au candidat sa profession de foi. Pour comble de malheur, la loi n’exigeant pas la présence au moins de la moitié ou du tiers des électeurs inscrits, il arrive souvent que, par suite de la négligence de ceux-ci, les choix sont déterminé par des minorités véritablement ridicules. Il est tel député a dû sa nomination le une demi-douzaine de votans, et récemment à Gênes, dans la seconde ville du royaume, celle où l’esprit politique est le plus développé, M. Manin, l’ex-président, de la république de Venise, l’emportait, avec 57 voix seulement.

De semblables résultats sont évidemment illusoires, et, comme nous le disions plus haut, on n’en saurait tirer aucune induction valable sur l’état de l’opinion publique en Piémont ; Voilà pourtant comment le pays le plus conservateur en réalité et le plus monarchique de l’Italie pourrait à bon droit passer, si l’on en jugeait par la superficie, pour un foyer de révolution. Depuis un an, en effet, on le voit se donner une représentation nationale en majeure partie composée de démagogues et de libéraux sans cervelle, les uns instrumens aveugles, les autres agens déclarés de M. Mazzini. Cette chambre, depuis le jour de son installation, n’a su faire autre chose que combattre pied à pied le gouvernement, le contrecarrer avec une obstination puérile, entraver tous ses projets, rendre nulles toutes ses résolutions. Pas une loi qui ait été acceptée dans sa pensée primitive, pas une proposition qui ne soit sortie des discussions en quelque sorte lacérée et mise en lambeaux par ces perpétuels ergoteurs de l’opposition, déterminés à rendre tout gouvernement impossible. Ce n’est pas qu’il fallût leur attribuer à tous un aussi condamnable dessein froidement médité et arrêté d’avance. Le nombre est plus restreint, nous aimons à le croire, de ceux qui calculent la portée de leur conduite et verraient sans regret leur opposition aboutir au renversement de la monarchie. Chez beaucoup, il en faut accuser l’ignorance et la sottise plutôt que la perversité. Bacheliers inexpérimentés en droit constitutionnel, ils ne comprennent pas qu’un député puisse être autre chose que l’adversaire systématique et taquin du pouvoir. Faire acte d’opposition, c’est, à leurs yeux, faire acte de vertu civique. Que dis-je ? Il n’est pas jusqu’aux partisans même de la politique du gouvernement qui ne rougissent en quelque sorte de s’avouer ministériels ; cette épithète n’est guère prise qu’en mauvaise part ; il semble qu’on ne puisse honorablement être de l’avis du pouvoir. Ainsi, comme si ce n’avait pas été assez pour les conseillers du roi Victor- Emmanuel d’avoir à lutter contre majorité compacte et hostile, ils ne pouvaient pas même compter sur l’appui continu de leurs amis, parmi lesquels des défections imprévues se manifestaient sans autre motif qu’un caprice momentané.

Pour faire la part de chacun, il est vrai de dire que le ministère, de même qu’il a toujours cru devoir s’abstenir de toute intervention dans les comices, ne s’est pas davantage préoccupé de rallier autour de lui le petit nombre de fidèles que lui envoyaient des élections ainsi abandonnées à la grace de Dieu, de