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donné en son nom L’Anglais n’est pas vain de son pays, il l’aime ; et s’il paraît si peu dépaysé à l’étranger, c’est qu’il emporte avec lui son payse et, comme on l’a dit spirituellement, qu’il ne marche qu’enveloppé de l’atmosphère anglaise. Il a moins que les autres la maladie du pays, et il en a plus le culte.

Tandis que le peuple qui n’est que vain du sien, — les Athéniens, je suppose, — en ignore le passé et le présent, l’histoire et jusqu’à la géographie, l’Anglais, qui aime son pays plus qu’il n’en parle, étudie dès l’enfance et sait à fond tout ce qui s’y est fait dans la suite des temps. On verra chez l’autre peuple des individus, des partis qui répudieront la gloire des ancêtres ; l’Anglais se déclare solidaire de tout le passé de son pays. L’autre peuple datera son histoire honorable de l’olympiade où certaines idées ont prévalu, où une révolution s’est accomplie, et bon nombre de ses citoyens, renchérissant, la dateront de l’olympiade où ils sont nés ; l’Anglais se fera honneur des premiers pas de sa nation sur la scène du monde, il sera orgueilleux des travaux des ancêtres, et il couvrira d’un pieux respect leurs fautes. Chez le peuple athénien, les aventuriers auront du crédit ; en Angleterre, l’influence appartiendra aux hommes qui ont des principes, c’est-à-dire qui ont foi en des vérités plus vieilles qu’eux et qui leur survivront.

Rien n’est plus caractéristique en Angleterre que le respect du passé. En France, les choses se recommandent par leur nouveauté ; le vieux, pour réussir, doit s’y donner pour du neuf. En Angleterre, toute chose dont on peut dire qu’elle est vieille et anglais old english, réussit. Le charlatanisme, qui le sait bien, y dupe les gens en leur donnant du neuf pour du vieux. L’archéologie nationale, occupation des savans chez nous, et combien je les en admire ! est en Angleterre un goût mondain. J’ai vu une aimable femme, belle, élégante, qui cherchait dans des églises de village les traces des différentes architectures perdues dans les réparations successives, distinguant le style saxon du normand, ou bien donnant un âge à d’antiques ornemens d’autel brodés par des doigts moins délicats que les siens. En ornant sa mémoire de mille notions agréables et instructives sur le passé de son pays, elle ne voulait que se le rendre plus cher ; du reste, si simple et si modeste, qu’il ne paraissait de son savoir que ce qu’on lui en avait surpris. Elle ne tirait vanité que pour la vieille Angleterre de tout ce que ses recherches lui faisaient découvrir du génie de ses anciens artistes.

Je ne réponds pas qu’il ne se mêle un peu de mode à ces goûts patriotiques. Il y a de la mode, même en Angleterre, et jusque dans son respect filial pour son passé. Ainsi, une certaine école veut qu’on ôte de la langue anglaise tous les mots d’origine étrangère. Le saxon est seul en faveur, comme l’élément le plus indigène. On prouve dans de gros livres, écrits d’ailleurs à l’aide de mots de toutes les origines, que