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de correction contiguë à la salle des morts ; à ces appareils qui reçoivent les immondices des pauvres pour les répandre sur le jardin d’où l’on tire leurs légumes ; à la santé invariablement belle du chef de l’établissement. Mais, cette délicatesse est-elle sensée ? Le courage d’une société qui regarde en face ses plaies les plus hideuses, et qui les touche d’une main peut-être un peu dure, ne vaut-il pas mieux que la sensibilité de nerfs qui nous fait fuir la vue des misérables, en nous persuadant que c’est l’effet d’un trop bon cœur ? D’ailleurs, la maison de travail n’est pas une maison de force. Le mauvais ouvrier y peut être amené par la perte de l’indépendance que donnent le travail et la conduite ; mais il n’y entre que de son gré. Telle est la liberté du citoyen, en Angleterre, qu’elle survit même à l’indépendance de l’individu. Valait-il donc mieux laisser dans la rue, exposés à la tentation du vol, ces hommes, en trop grand nombre, que le vice a vaincus, et qui se sont rendus indignes soit du secours public que distribue au pauvre honnête le bureau des gardiens, soit du secours secret que viennent lui offrir les overseers ? Les maisons de travail sont instituées spécialement pour ces réfractaires du travail. Au prix d’une partie de leur liberté, hélas ! de celle dont ils ont abusé, la société abrite leur tête déconsidérée sous un toit que leur a élevé le travail des honnêtes gens ; mais ils n’y perdent ni leur qualité d’Anglais ni leur part de chrétiens dans la nourriture religieuse ; leurs forces y sont ménagées, et ils peuvent toujours en sortir pour gagner, au prix de leurs sueurs, un pain moins amer.

Au reste, quel que soit le mérite de la charité légale en Angleterre, je lui préfère de beaucoup la charité libre. Celle-là est véritablement l’honneur de ses classes moyennes. Le gouvernement ni la loi n’y contribuent en rien, ils peuvent même n’en savoir rien. Cela se passe entre l’assisté et ceux qui l’assistent. Il y a comme deux flots qui semblent lutter de grandeur et de vitesse ; le flot de la population, qui multiplie les chances de misères, et le flot de la charité libre. Ceux qui possèdent ont l’œil sans cesse ouvert sur cette multitude sans cesse grossissante d’êtres dépourvus. Ils n’en sont d’ailleurs ni épouvantés ni découragés ; ils croient trop en Dieu pour craindre qu’il cesse de les aider dans leur tâche secourable ; ils sont trop bons Anglais Pour douter que la patrie puisse suffire à tous ses enfans.

Les établissemens fondés par la charité libre sont sans nombre. Tout ce que la misère, la mort, l’abandon jette de pauvres créatures sur le pavé est recueilli. J’en dis trop peut-être. Des deux flots, celui de la misère est toujours en avant ; mais ce qui n’est pas encore recueilli va l’être, Il y a des gens qui y veillent, et personne ne se croit arrivé à a limite de ses sacrifices. Où la pitié ne parle plus, le sentiment du devoir politique commande encore. Il ouvre la main de l’avare ; le