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lequel il voyait ce qui voilait son esprit et ce qui l’ouvrait, et comment tout ce qui ne pouvait se résigner à mourir sur la croix et à accepter la volonté de Dieu était de la chair. »

À peine âgé de vingt-deux ans (1646), Fox commença à prêcher le repentir et les bonnes œuvres ; néanmoins il ne semble pas que sa vocation fût alors tout-à-fait arrêtée, et lui-même ne fait remonter qu’à l’année suivante le début de son apostolat. Ainsi que saint François d’Assise, ce fut durant une vision qu’il reçut la consécration de l’esprit. Pendant quatorze jours, il resta plongé dans une sorte de léthargie, et, tandis que son corps était comme mort, « son regard plongea dans ce qui était sans fin et dans des choses que la langue ne peut exprimer. » - « Je vis, ajoute-t-il, la grandeur, l’infinitude et l’amour de Dieu, qui ne sauraient être rendus par des mots, car j’avais traversé et franchi l’océan même de ténèbres et de mort, le pouvoir de Satan ; oui, par l’éternelle et glorieuse puissance du Christ, un passage m’avait été ouvert à travers toutes ces ténèbres qui couvraient l’univers entier, et qui retenaient tout enchaîné et enfermé dans la mort… Alors pouvais-je dire que j’étais sorti de la Babylone et de l’Égypte spirituelles… et j’apercevais la moisson blanche, la semence de Dieu gisant à terre aussi épaisse que le fut jamais la semence du grain semé extérieurement, — et personne pour la recueillir, — et, à cause de cela, je me désolais avec larmes. »

Peu après, il se retira dans la vallée de Bevor, et là, « sans l’aide d’aucun homme et d’aucun livre, par les seules manifestations de la lumière, la mission qu’il avait à accomplir lui fut nettement indiquée… Tout ce qui m’avait été ouvert (écrit-il), je ne savais pas alors où le trouver dans les Écritures, quoique plus tard, en cherchant dans les Écritures, je l’y aie découvert ; car j’avais vu par la lumière et l’esprit qui étaient avant que les Écritures fussent publiées, par cette même lumière et ce même esprit qui les avaient inspirées aux saints hommes de Dieu. » Ce qui lui avait été révélé, c’est que les psalmodies, les communions et les cérémonies étaient des formes sans puissance, des pratiques païennes ; c’est que Dieu défendait à l’homme de jurer et de verser le sang, que les dîmes et les traitemens des professeurs qui vendaient l’Évangile à tant par an étaient des inventions de la cupidité et de l’orgueil, que les ergotages et les arguties des docteurs patentés n’étaient que vent et mensonge, et que la règle du chrétien, la puissance qui sauve et purifie, ne résidait point dans les vains systèmes des discoureurs ni dans le texte de la Bible même, mais dans la révélation intérieure qui brille au fond du cœur, comme le feu du raffineur ; car « le Seigneur lui avait montré comment chaque homme est éclairé par la divine lumière du Christ : cette lumière, il l’avait vue briller, à travers tous les vivans, et il savait infailliblement qu’elle ne tromperait