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vivante était à peu près invisible. Le Talé-lama est facilement abordable : il se montre aux simples curieux comme aux fidèles.

À leur arrivée, les missionnaires descendirent chez des Mongols avec lesquels ils avaient fait une partie du voyage ; dès le lendemain, ils se mirent en quête d’un logement. Les maisons de H’Lassa sont généralement grandes, à plusieurs étages, et terminées par une terrasse. À l’extérieur, elles sont entièrement blanchies à l’eau de chaux, sauf l’encadrement des portes et des fenêtres, qui est jaune ou rouge. Ce blanchissage est de règle tous les ans ; aussi les maisons de la ville des esprits séduisent-elles le passant par leur aspect de propreté et de fraîcheur. L’illusion cesse dès que l’on pénètre à l’intérieur, car tout y est sale, enfumé et puant. La pierre et la brique sont les matériaux employés à H’Lassa : on y voit cependant quelques constructions en terre ; de plus, il existe un quartier où toutes les maisons sont en cornes de bœufs et de moutons. L’aspect est bizarre et ne manque pas de charme. Les cornes lisses et blanches des bœufs mêlées aux cornes noires et raboteuses des moutons prêtent à des combinaisons originales que l’habileté des architectes thibétains sait mettre à profit.

Après de laborieuses recherches, MM. Huc et Gabet louèrent un petit logement dans une maison où se trouvaient réunis une cinquantaine de locataires. Un escalier sans rampe, aux degrés étroits et raides, menait à leur unique chambre. Samdadchiemba fut installé dans un corridor qui prit, pour la circonstance, le nom pompeux de cabinet. La chambre était éclairée par une étroite fenêtre garnie de barreau, et par une lucarne percée au toit et servant de passage à la fumée. À H’Lassa, la cheminée est inconnue ; on fait simplement du feu dans un bassin que l’on place où l’on veut. Samdadchiemba fut élevé à la dignité de cuisinier, et l’installation des missionnaires se trouva complète.

H’Lassa n’est pas seulement une ville de dévotion, c’est aussi une ville de commerce. Le Talé-lama attire les pèlerins, et les pèlerins attirent les marchands. Outre sa population sédentaire, H’Lassa possède, donc une population flottante très nombreuse ; on rencontre constamment dans ses rues des représentans de tous les peuples asiatiques. C’est une étonnante variété de physionomies, de costumes et d’idiomes. La population fixe n’est pas elle-même exclusivement thibétaine ; elle compte un grand nombre de Pébouns, de Katchis et de Chinois. Les Pébouns sont des Indiens du Boutan ; ils exercent seuls à H’Lassa l’industrie métallurgique. Leur quartier est extrêmement bruyant : on n’y voit qu’ateliers de forgerons, de chaudronniers, de plombiers, de fondeurs, d’étameurs, d’orfèvres, de mécaniciens. Sur toutes les portes de leurs maisons, dans lesquelles on n’entre qu’en descendant