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pernicieuses ; c’est sans le savoir et sans le vouloir qu’elle a trempé dans le socialisme, mais elle n’y a pas moins trempé.

La majorité du conseil général n’a pas rectifié les erreurs de l’administration, elle les a aggravées même dans quelques cas. C’est ainsi qu’à propos des engrais industriels, elle a, par voie d’amendement, voté un système d’inspection, de vérification et de contrôle sur toute espèce de denrées, qui rappelle les charges de conseillers du roi contrôleurs aux empilemens de bois et de contrôleurs langueyeurs de porc qu’institua le gouvernement de Louis XIV, lorsqu’il fut aux abois, pour faire de l’argent. Elle a adopté toute une série de vœux restrictifs et réglementaires à l’extrême. Il y avait dans le conseil général un grand nombre de membres qui croient au système protectioniste autant qu’à l’Évangile. Il en est quelques-uns qui verraient avec joie brûler toutes les bibliothèques nationales, s’ils pensaient que, dans la catastrophe, les traités d’économie politique doivent être détruits à jamais, parce que l’économie politique, au lieu de s’agenouiller devant la protection, la dénonce hautement comme un faux dieu. Cependant, en masse, le conseil général était arrivé avec un profond sentiment de déférence pour le gouvernement. Si celui-ci avait fait un bon usage de son initiative, il aurait entraîné les votes. La grande majorité ne demandait qu’à être éclairée. On eût suivi le gouvernement sur le seul terrain qui soit ferme, celui de la justice et de la liberté, s’il y eût planté son drapeau. Il est bon de noter ici que le conseil général a beaucoup modifié le bizarre projet de règlement sur les étalons dont nous avons fait mention. Il a amélioré le projet sur les sucres, qui était déjà fort recommandable. Les protectionistes ardens étaient parvenus à faire nommer des commissions contraires à la sortie en franchise des soies grèges et moulinées et à la substitution du droit au poids au droit par tête sur le bétail ; le conseil général, mieux inspiré, a écarté les conclusions des commissions et rétabli les projets de l’administration.

Si l’on me demandait de m’expliquer sur l’emploi positif que le gouvernement aurait dû faire de son influence sur le conseil général, afin de faire comprendre ma pensée mieux que ce n’est possible par des critiques, je hasarderais ici quelques développemens à titre d’hypothèses.

Supposons que le gouvernement eût tenu au conseil général un langage tel que celui-ci : « Des idées nouvelles se sont récemment introduites dans la politique commerciale de plusieurs états. Depuis deux siècles, tous les gouvernemens de l’Europe avaient admis le système de la protection, en vertu duquel on écarte systématiquement les produits de l’étranger ; mais une puissante nation, renommée par la haute et persévérante intelligence qu’elle a de ses intérêts, l’Angleterre, vient