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avait répété au chrétien que, par lui-même, il ne pouvait rien, et que, pour échapper à l’enfer, il avait besoin d’un médiateur, d’une église qui offrît pour lui des sacrifices, qui lui remît ses péchés, et qui, à force de méditations, découvrît ce qu’il devait croire. Quel que soit le sens apparent de certaines paroles du moine protestant, au fond l’esprit qui l’animait n’avait rien de décourageant pour l’individu. La voix qui sortait de Wittenberg n’avait qu’un refrain : « Aie bon courage, compte sur toi seul, ne tremble pas ; tu n’as besoin de personne. Aime ; tu as Christ, avec lui tu peux te suffire. »

À ces rassurantes paroles, Calvin avait fait succéder de moroses amplifications sur la perversité de la nature humaine. Il était logicien ; comme tous les logiciens qui commencent par prendre leurs maximes pour des vérités incontestables, il ne voyait qu’anomalie et monstruosité dans l’humanité, qui ne s’empressait pas de les admettre. Son œuvre à lui avait été de parler de saints qui naissent impeccables, de réprouvés qui naissent incapables de se sauver, et d’un Dieu qui, dans sa justice, donne le ciel aux premiers, l’enfer aux seconds. En résumé, le pape avait été supprimé, sans que la liberté spirituelle y eût rien gagné. Au lieu d’être esclaves d’un dictateur infaillible, les esprits étaient soumis à un système, à un catéchisme infaillible, dont toutes leurs idées ne devaient être que des applications. La morale n’était guère mieux traitée que la liberté. Tandis que, sur les lèvres de Luther, la formule que la foi seule sauve avait été une noble glorification de la sincérité, un hommage rendu au parfait accord de l’action avec l’intention, — sur les lèvres de Calvin, la même formule n’avait plus guère eu qu’un sens : c’est que, pour être sauvé, il fallait professer la doctrine presbytérienne, c’est-à-dire croire en particulier que tout ce qui venait de l’homme était radicalement mauvais. De fait, sinon d’intention, le calvinisme allait droit à étouffer tout effort vertueux sous la conviction que l’homme ne peut rien d’agréable au ciel.

Voilà où en était la religion de l’époque, la science des théologiens, celle que Fox avait entendu bruire à ses oreilles. Sa seule science à lui, je le répète, était de savoir que le langage des docteurs l’avait indigné, et que quelque chose d’irrésistible le forçait à leur répondre : « Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai, l’homme n’est pas sur la terre pour discuter et tirer les conséquences de la Bible ! » Ce quelque chose d’irrésistible, Fox le prit pour une révélation. Il fit comme on faisait alors. Son dogme du Christ était simplement la meilleure raison qu’il eût pu imaginer pour s’expliquer comment il n’était pas forcé d’accepter les doctrines qu’il jugeait inacceptables. L’explication était naïve, cela est certain ; elle était dangereuse, nous le verrons ; elle n’était au fond qu’une négation, je l’ai déjà dit : toujours est-il que cette négation-là était de nature à avoir de l’écho, et qu’elle répondait bien à un besoin