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les trois derniers, la réponse est toute simple. Les girondins sont proscrits ; nous les trouverons à Caen. Quant aux trois chefs de la montagne, il faudra trouver moyen de les réunir dans une délibération sur leurs communs intérêts. La diversité de leurs caractères, l’opposition, la contradiction des systèmes dont ils poursuivent l’accomplissement à travers les ruines amoncelées à leurs pieds, ne tarderont pas à éclater. Une fois en présence, ils ne s’entretiendront pas long-temps avant d’en venir à l’ironie, à la menace. Cette manière de nous les révéler par eux-mêmes n’a rien que la raison ne puisse avouer. Reste la difficulté de mettre dans leur bouche des paroles que l’histoire ne désavoue pas.

Le triumvirat de la montagne offre au poète trois caractères profondément distincts. Robespierre, dont le nom reste attaché au régime de la terreur ; Danton, dont le nom rappelle à toutes les mémoires les journées de septembre ; Marat, qui se disait l’ami du peuple et qui a demandé, qui a obtenu tant de têtes, réunis pour le triomphe de la révolution, étaient fatalement condamnés à s’entre-détruire, car chacune de ces trois natures devait se défier des deux autres. Robespierre, dévoré de la soif du pouvoir, poursuivait froidement, mais avec une persévérance infatigable, avec une obstination que rien ne pouvait décourager, le but marqué d’avance dans ses desseins. Calme et prudent, profitant habilement des fautes commises par ses adversaires, il n’allait pas volontiers au-devant du danger ; affrontant, méritant parfois le reproche de lâcheté, il dédaignait de répondre aux accusations qui ne compromettaient pas l’accomplissement de sa volonté. C’est peut-être la figure la plus terrible de cette époque orageuse, et cependant Robespierre a connu la plus douce des passions humaines. La richesse n’attirait pas cette ame singulière ; s’il abat les vieilles institutions, s’il proscrit les grands, ce n’est pas pour se loger dans les palais déserts. Non, il veut régner, il veut tenir la France dans sa main. La douceur même de ses mœurs ajoute à l’effroi qu’il inspire. Il y a dans toute sa conduite un si parfait désintéressement, ses ennemis eux-mêmes sont tellement convaincus qu’il ne garde rien pour lui de la dépouille des victimes, tous ses discours sont dictés par une logique tellement inflexible, que la sérénité de son intelligence au milieu de l’orage lui donne une sinistre grandeur.

Danton, malgré les journées de septembre dont il n’a pas répudié la responsabilité, effraie moins que Robespierre, car l’ambition n’est pas le mobile unique de toute sa conduite. En poursuivant la conquête du pouvoir souverain, ce n’est pas le pouvoir seul qu’il veut conquérir ; il veut satisfaire, il veut assouvir toutes ses passions, tous ses appétits, depuis sa gourmandise jusqu’à sa luxure. Arrivé à Paris pauvre et obscur, il veut la popularité, il veut la richesse pour épuiser toutes