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qu’on n’ait pas pris, pour cela la meilleure voie. Le jeu est souple et inventif ; il est par-dessus tout opiniâtre. Quand on le chasse par une porte, il rentre par l’autre. Nous ne voyons pas d’ailleurs les grands crimes qu’ont commis ces malheureux capitalistes de la Bourse depuis deux ans. Toutes les fois que la république a eu besoin d’eux, elle les a rencontrés sous sa main. Elle a trouvé dans leurs écus plus de confiance et de sécurité qu’ils n’en avaient eux-mêmes. Ce n’est pas avec des mesures comme celle d’un impôt sur les transferts de rente qu’on encouragera leur bon vouloir ; ils y verront pour le moins un précédent fâcheux, que la logique révolutionnaire ne manquera pas d’exploiter. De pareilles mesures sont nuisibles en temps de prospérité, à plus forte raison sont-elles dangereuses et impolitiques dans des temps de crise, quand on a un budget en déficit, et lorsque les circonstances peuvent d’un moment à l’autre placer le gouvernement dans la nécessité de négocier un emprunt.

La discussion du budget de 1850 a marché jusqu’ici assez rapidement. Selon l’usage, on a parlé un peu de tout dans la discussion générale. Il est juste de dire cependant qu’on ne s’est pas trop écarté, cette fois, du sujet principal, et qu’il a été plus souvent question d’administration et de finances que d’autre chose. La montagne a été sobre de développemens sur ses systèmes économiques. Elle en a dit assez néanmoins pour nous faire comprendre à quoi nous devons nous attendre, si jamais, ses théories financières sont appliquées. La montagne, comme on sait, possède plusieurs théories financières de différente nature, et par conséquent plusieurs formes différentes de budget. Elle a d’abord le budget de M. Proudhon, lequel est le plus simple de tous, puisque M. Proudhon ne veut ni administration, ni gouvernement. Elle a ensuite le budget de M. Pelletier, Celui-là coûte plus cher. M. Pelletier est de l’école communiste. Il veut que l’état soit chargé de tout faire, et que nous soyons gouvernés à la manière des fellahs d’Égypte. Pour donner à l’état les moyens de tout faire, M. Pelletier propose un budget d’environ deux milliards par an ; ce n’est pas trop, mettons-en trois, et nous serons encore loin de compte. Enfin, après le budget de M. Pelletier, il y a le budget de M. Mathieu de la Drôme, cet honorable montagnard qui vient d’être si rudement traité par M, Mortimer Ternaux. C’est une histoire curieuse, en vérité, que celle du budget de M. Mathieu de la Drôme. Ce grand économiste, qui s’annonce un beau jour à la tribune comme ayant une merveilleuse recette pour rétablir l’équilibre du budget ; ce grand financier, qui a découvert un moyen infaillible de procurer au trésor une économie annuelle de 639 millions, et qui, le jour de la discussion, au lieu d’être à son banc, se promène tranquillement avec ses électeurs de la Drôme : quelle comédie, et comme cela peint bien l’une des espèces de nos révolutionnaires modernes, gens qui ne prennent pas même au sérieux leurs idées ni leurs personnes, révolutionnaires de parade, plus hâbleurs encore que méchans ! Quoi qu’il en soit, M. Mortimer Ternaux, en homme sérieux qui n’entend pas raillerie sur de pareilles matières, a eu la cruauté d’amener M. Mathieu de la Drôme à la tribune, et de le forcer à s’expliquer. Les explications de l’honorable montagnard, comme on devait s’y attendre, n’ont prouvé qu’une chose : c’est qu’il avait espéré que personne ne viendrait faire violence à sa discrétion, et que son secret mourrait avec lui.

Des attaques très vives ont été dirigées contre le budget par les adversaires