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général propose des économies que nous voudrions voir réaliser, et dont la plupart nous semblent très praticables. Elles ont surtout le mérite de se rattacher à un système qui tend à resserrer la discipline, et à fortifier le commandement au lieu de l’affaiblir, et par là elles répondent au principal besoin du pays.

Disons toute la vérité, ce n’est pas le budget qui est trop lourd pour les forces de la France ; la France rendue à sa sécurité, au travail, porterait bien facilement le poids des charges que lui imposent annuellement le soin de sa dignité et de son honneur, le maintien de son indépendance nationale, le mécanisme de son administration et de son gouvernement. 600 millions de dette flottante seraient peu de chose pour un pays dont la rente serait cotée à 120 francs, et qui aurait à sa discrétion tous les banquiers de l’Europe. Ce qui pèse sur les finances de la France, c’est l’anxiété des esprits ; la maladie du trésor, c’est cette fièvre qui nous consume et qui nous mine. Voyez le contre-coup du 10 mars sur l’industrie et le commerce. Que de commandes retirées, que de vaisseaux rentrés dans les ports pour n’en plus sortir ! et ce chemin de fer de Paris à Avignon, que l’on voulait discuter d’urgence il y a un mois, tant la chose était pressée, tant les capitaux étaient impatiens de se jeter dans cette nouvelle entreprise, la seule qu’on eût osé mettre ; en avant depuis février, ce projet de loi si ardemment controversé et si vivement défendu, où en est-il aujourd’hui ? La discussion sera reprise jeudi prochain, mais au milieu de quel découragement ! La raison nous dit cependant qu’il faut reprendre au moins une apparence de confiance et faire de nouveaux efforts pour ranimer l’industrie, qui s’éteint et qui meurt, si l’on ne va pas à son secours. En aidant l’industrie, on servira peut-être la politique. Nous avons déjà exprimé notre pensée sur cette question du chemin de Paris à Avignon. Nous sommes de ceux qui désirent, avant tout, que le chemin se fasse, n’importe par qui et comment. Nous ne voyons que trois systèmes en présence : la construction et l’exploitation par l’état, la concession à une ou deux compagnies financières, la construction et l’exploitation par des compagnies industrielles pour le compte de l’état. Le premier système rallierait aujourd’hui bien peu de sympathies ; le second ne peut plus être discuté, s’il est vrai que les compagnies financières ont fait retraite. Dans ce cas, nous nous trouverions aujourd’hui en présence du troisième système, dont on ne reconnaît réellement le mérite que lorsqu’on se trouve dans la nécessité de se prendre corps à corps avec lui. Ce système, c’est la conciliation prudente des deux autres. On leur prend ce qu’ils offrent d’avantageux, on répudie ce qu’ils ont de mauvais ou d’incomplet. L’état reste propriétaire, l’industrie construit et exploite à forfait. Dans cette combinaison nouvelle, le gouvernement n’aliène pas une richesse nationale, il n’abandonne pas 154 millions, il ne garantit pas 13 millions pendant quatre-vingt-dix-neuf ans ; connaissant le prix de la construction et celui du fermage, il est à l’abri des mécomptes ; se réservant l’application des tarifs, il peut satisfaire librement aux besoins des populations. Ce sont là des avantages qu’il faut sérieusement méditer, et ils seront sans doute pesés dans la discussion.

Disons maintenant quelques mots de la politique extérieure. Nous sommes toujours embarrassés quand nous voulons nous occuper de l’Allemagne. Il n’y a pas, par un contraste singulier, de peuple plus sincère et moins réel. L’Allemagne aime la liberté ; qui peut en douter ? Elle aime l’unité ; personne non