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contre le socialisme. « Il s’agit, dit le préfet de police dans cette circulaire, de la cause de toutes les familles. » Oui, tous les jours en effet, il s’agit de savoir si nous serons ou si nous ne serons pas. Il est impossible de défendre cette grande cause de la société avec plus de talent, plus de fermeté et plus d’esprit que ne l’a fait M. Baroche. Un journal important a dit que ce jour-là M. Baroche avait marqué sa place parmi les défenseurs de l’ordre et de la société. Le mot est juste ; mais cela nous fait trembler pour M. Baroche : le voilà passé burgrave ou margrave.

Nous n’avons plus qu’une grande discussion politique à mentionner avant d’arriver aux discussions financières : nous voulons parler de la discussion sur la déportation et du discours de M. Victor Hugo. D’abord, nous ne voulions pas en parler, au risque de passer également sous silence l’énergique et spirituelle réponse que M. Rouher a faite à M. Hugo. Cependant on nous dit que M. Victor Hugo, ayant à publier un gros livre sur les Misères, fait dans ce moment-ci de ses discours des prospectus, et que sa politique est une annonce : soit ! répétons le propos, dussions-nous, en le répétant, aider à l’intention même qu’on prête à MI. Hugo ; mais, franchement, ces commérages sont bien peu de chose dans l’histoire de la quinzaine, et nous ne voyons pas quel mal il y aurait à n’en rien dire.

Nous devons louer M. le ministre des finances d’avoir présenté en temps utile le projet de budget de 1851, et d’avoir mis par là un terme au régime des douzièmes provisoires, qui était devenu depuis deux ans l’état normal. On discutait les crédits après les dépenses faites : c’était le renversement des principes financiers. En rentrant dans la règle, qui veut que l’allocation des crédits précède la dépense, nous sortons de la période révolutionnaire des budgets. Ce n’est pas là, d’ailleurs, le seul mérite du projet présenté par M. Fould. D’après les prévisions du ministre, le budget ordinaire de 1851 se soldera sans emprunt, et avec la seule ressource des revenus ordinaires, tout en opérant un dégrèvement de 27 millions sur la contribution foncière. Il est vrai que les dépenses extraordinaires resteront à la charge de la dette flottante, et que, pour éviter l’emprunt, ou plutôt pour l’ajourner d’un an, le ministre propose d’aliéner cinquante mille hectares de forêts, passés aujourd’hui du domaine de la liste civile dans le domaine de l’état. Cette proposition, il faut le reconnaître, n’a pas été favorablement accueillie dans le public. On s’est demandé si une pareille mesure n’aurait pas pour effet de porter un grave préjudice à tous les intérêts qui exigent le reboisement du sol ; si, dans les circonstances présentes, le produit qu’elle donnerait au trésor ne serait pas bien inférieur au chiffre de 50 millions évalué par le ministre ; si enfin, dans tous les cas, ce n’était point là une de ces ressources extrêmes que la prudence ordonne de réserver pour les nécessités les plus critiques. On cite l’exemple du gouvernement de juillet, qui, le lendemain d’une révolution, a vendu une partie considérable des forêts de l’état pour mettre les armées de la France sur le pied de guerre. Lorsqu’il agissait ainsi, le gouvernement de juillet se trouvait aux prises avec les plus graves extrémités qu’il pût craindre. Il était plus libre que la république ne le sera jamais dans l’emploi de ses ressources, par la raison qu’il avait moins de chances désastreuses à prévoir. S’il avait devant lui la perspective d’une guerre, il n’avait pas la perspective bien autrement sinistre