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Le résultat de la seconde délibération sur le chemin de fer de Paris à Avignon ne nous a pas surpris. Trop d’intérêts, trop de préventions assez mal justifiées, selon nous, venaient se jeter à la traverse devant le système d’une compagnie unique, pour que ce système pût l’emporter au scrutin. S’il a échoué, nous avons du moins l’espérance que cet échec ne sera pas une victoire pour ceux qui, au moyen de combinaisons plus ou moins sincères, et dans des vues fort peu patriotiques, avaient conçu le dessein de faire ajourner indéfiniment l’exécution du chemin de la Méditerranée à l’Océan. L’éloquence de M. Berryer a stigmatisé cette pensée comme elle le méritait. De tous les systèmes, le plus déplorable, assurément, eût été de ne rien résoudre. Le principe d’une concession unique pouvait se soutenir, nous le croyons encore, par d’excellentes raisons ; mais nous sommes tout prêts à accepter, comme un résultat heureux, la préférence donnée au système des deux compagnies solidaires ou même indépendantes, si ce système est bien en réalité un dénouement et une solution.

Nous ne dirons qu’un mot aujourd’hui de la politique étrangère, et nous songeons trop à nous pour songer même un peu aux autres. La question grecque semble finie ou détournée. Le pape est rentré dans ses états ; le parlement germanique d’Erfurth siége encore. Voilà les trois questions qui mériteraient d’être examinées à loisir, car si la question grecque est finie, à qui profite le dénoûment ? Si le pape est rentré à Rome, quelle va être l’allure de son gouvernement ? Va-t-il recommencer Grégoire XVI ou continuer Pie IX ? Si le parlement germanique siège encore à Erfurth, est-ce une révolution qui se consolide en se corrigeant, ou une révolution qui s’efface et s’évanouit peu à peu ? Est-ce l’unité de l’Allemagne qui se fonde en se restreignant, ou une chimère qui se rétrécit et qui se rappetisse avant de disparaître ?

Si l’on mesure l’importance du résultat à la vivacité des efforts qui s’étaient ligués pour le conjurer, le retour du pape doit, au demeurant, être considéré comme un succès pour notre politique ; nous aimons aussi à y voir un gage d’espoir pour l’avenir. Les émigrations sont mauvaises conseillères ; rendu au sein de ses états, Pie IX y sera plus accessible au sentiment des nécessités présentes. La cour pontificale sortant de ce cercle exclusif où l’a enserrée l’habileté de quelques diplomates pour passer dans un milieu plus italien, il y aura chance de voir prendre un tour plus facile à ses relations avec celle de Turin. En maintes circonstances, nous avons exprimé la vive sympathie que nous inspire le Piémont, et plus que jamais nous croyons à la nécessité d’une entente des gouvernemens de la péninsule avec ce pays, point de ralliement de la liberté italienne. Voici malheureusement une circonstance dont n’auront pas manqué de profiter ceux qui ont tout intérêt à entretenir la désunion entre Rome et Turin. Les dernières nouvelles nous apprennent que le sénat sarde a adopté à une majorité relativement considérable la loi Siccardi, présentée par le ministère Azeglio et votée déjà par la chambre des députés. La loi Siccardi, dont nous reparlerons en détail, touche à des immunités et à certains privilèges séculaires de l’église de Piémont. Il n’a été que trop facile de la représenter comme attentatoire à la religion. Une première note du cardinal Antonelli a déjà exprimé cette opinion ; mais le secrétaire d’état actuel, quelle que soit son influence et son opiniâtreté à la maintenir, n’est pas à lui seul toute la cour papale,