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faible, bien douce, glissait sur ses cheveux ; quelques petites fleurs sans nom qui avaient fleuri au pied des saules, à l’abri de leur ombre, envoyaient vers l’onde des parfums qu’on respirait par moment, selon le caprice du vent ; un oiseau caché dans le feuillage chantait quelque amoureuse mélodie, et, bercé dans sa barque, le jeune étudiant attendait la femme qu’il aimait. L’ingrat ! il accusait le temps de lenteur ; il lui disait de se hâter ; il était insensible aux charmes de l’heure présente. Ah ! s’il vieillit, comme il comprendra que sa destinée lui donnait alors les trésors les plus doux de la vie : l’espérance et la jeunesse !

Tout à coup l’étudiant tressaillit, il se leva dans la barque, et, le cou tendu, l’œil arrêté sur le feuillage des saules, il écouta, osant à peine respirer. Le feuillage s’entr’ouvrit, et une figure de jeune fille, presque d’enfant, apparut aux regards de l’étudiant.

— Christine ! s’écria-t-il.

La jeune fille posa son pied sur le tronc d’arbre le plus incliné, puis s’asseyant avec adresse sur ce banc mobile, que son poids, quelque léger qu’il fût, faisait onduler, un de ses bras se mêla aux branches qui tombaient vers l’eau, et ainsi penchée, sa main put atteindre celle de son ami ; il la serra avec amour ; alors la jeune fille se redressa, l’arbre, moins chargé, sembla obéir à sa volonté en se relevant un peu, et le jeune homme, assis dans sa barque, parla les yeux levés vers le saule sur lequel celle qu’il aimait était appuyée.

Christine Van Amberg n’avait rien des traits distinctifs du pays qui l’avait vue naître. Des cheveux noirs comme l’aile du corbeau encadraient dans de larges bandeaux une figure pleine d’énergie et d’expression. Ses yeux grands et veloutés avaient un regard pénétrant qui aurait défié le mensonge de le braver en face ; des sourcils presque droits, fortement accentués, auraient donné peut-être un peu trop de caractère à cette jeune tête, si une charmante expression de candeur, de naïveté, n’en eût fait une figure d’enfant plutôt que celle d’une femme. Christine avait quinze ans ; un petit cercle d’argent pressait son front et ses noirs cheveux : c’était, selon l’usage de son pays, la parure des jours de fête ; mais, pour la jeune Hollandaise, le jour de fête le plus beau était celui où elle voyait son ami. Elle avait une robe d’indienne à petits bouquets, d’un bleu pâle, et le mantelet de soie noire destiné à envelopper sa taille était posé sur ses cheveux et retombait sur ses épaules pour mieux la cacher aux regards qui auraient pu l’épier. Assise sur un tronc d’arbre, au milieu des branches et tout près de l’eau, comme l’Ophélia de Shakspeare, Christine était charmante. Jeune, belle, aimée, cependant une profonde mélancolie était empreinte sur son visage ; son compagnon la regardait tristement, les yeux presque mouillés de larmes.