Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermé pour toutes les voix qui disaient d’oublier celui qu’elle aimait. La supérieure joignit les mains, pria tout bas auprès d’elle ; elle ne dit pas à la jeune fille la démarche qu’elle avait faite auprès de son père : elle renferma dans son cœur l’espérance de la renvoyer un jour à sa famille ; mais, pleine d’un saint zèle elle essayait du moins, par ce séjour momentané au couvent, de dompter cette ame ardente et insoumise.

Un jour on envoya Christine soigner une sœur qui était malade. Chaque religieuse se relayait auprès de ce lit de douleur, Christine, en entrant dans la cellule de la religieuse, fut étonnée de voir qu’elle avait perdu l’aspect austère et triste de toutes les autres cellules. La fenêtre entr’ouverte laissait venir un rayon de soleil. Sur une petite table posée près du lit, il y avait un verre rempli de fleurs, luxe défendu dans l’intérieur du couvent. Un bouquet blanc ornait une image de la Vierge. Un livre pieux était ouvert auprès et la religieuse. Elle sourit doucement de l’étonnement de Christine.

— Ma sœur, lui dit-elle, venez respirer la bonne odeur répandue dans cette chambre. Saint François de Sales a écrit de sa propre main qu’il fallait rendre agréable la chambre des malades, qu’il fallait y porter des fleurs pour égayer la vue. Ma sœur, les anges du ciel descendent près du lit de ceux qui souffrent, car ceux qui souffrent avec un cœur soumis sont aimés de Dieu. Voyez, notre demeure s’égaie à mesure que nous approchons du moment de la quitter. Elle a l’air de se préparer pour une fête, car n’est-ce pas une fête de s’envoler vers le ciel ?

— Ma sœur, lui dit Christine. Souffrez-vous beaucoup ?

— Oui, je souffre, et je crois que je vais mourir.

— Hélas ! mon Dieu, vous êtes bien jeune !

— J’ai confiance dans le bien qui m’appelle, je suis prête à aller le trouver.

— Êtes-vous depuis long-temps au couvent ?

— depuis dix ans.

— Dix ans ! grand Dieu !

— Ce temps a passé bien vite, il m’a consolée des chagrins que j’avais emportés en fuyant le monde.

—-Des chagrins, dites-vous ? vous avez pleuré ! Oh ! parlez-moi, je vous en prie, ma sœur !

— J’ai perdu mon fiancé trois jours avant le jour fixé pour notre mariage. Il est mort sous mes yeux ; j’aurais voulu mourir avec lui : Dieu ne l’a pas permis. J’ai fait du moins ce qu’il dépendait de mois de faire, j’ai quitté le monde, je suis venue prier pour lui et attendre le moment de le rejoindre.

— Séparée pour toujours de celui .que vous aimiez ! Oh ! que vous avez dû souffrir, ma sœur !