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yeux. Guillaume prit la main du jeune homme, et la serra en silence.

— Monsieur, murmura Herbert, oh ! j’ai peur ! Ce n’est pas là ma Christine !… c’est une ombre sortir de la terre ou un ange venu du ciel qui a pris sa place…

— Non, ce n’est plus là Christine, répondit tristement Guillaume.

Apres quelques minutes d’une douloureuse contemplation, Herbert s’écria : — Christine, chère Christine !…

Au son de cette voix, la novice tressaillit ; elle se leva toute droite et répondit :— Herbert ! …

Comme autrefois, à la voix de son ami qui disait : — Christine ! Marthe-Marie avait répondu : — Herbert !

Le cœur du jeune homme battit avec force ; il s’élança vers la novice, lui prit les mains :

— C’est moi, c’est Herbert ! s’écria-t-il en s’agenouillent devant elle.

La novice fixa sur lui ses grands yeux noirs, le regarda long-temps, et une faible rougeur passa sur son front, puis elle redevint pâle, et dit doucement à Herbert :

— Je ne pensais pas vous revoir sur la terre.

— Chère Christine, nous avons bien souffert, bien pleuré ; mais des jours heureux se lèvent enfin pour nous ! Mon amie, ma fiancée, nous ne nous quitterons plus !

Marthe-Marie, retirant avec effort ses mains des mains d’Herbert, recula vers le Christ.

— Je suis la fiancée du Seigneur, murmura-t-elle d’une voix tremblante, il m’attend.

Herbert poussa un cri de douleur.

— O Christine, chère Christine ! rappelez-vous nos sermens, nos promesses, nos amours, nos larmes, nos espérances. Vous m’avez quitté en jurant de m’aimer toujours. Christine, si vous ne voulez pas me faire mourir de désespoir, souvenez-vous du passé !

Marthe-Marie resta les yeux fixés sur le crucifix, ses mains, convulsivement jointes, levées vers lui.

— Seigneur, murmura-t-elle, parlez à son cœur comme vous avez parlé au mieux ; c’est un noble cœur digne de vous aimer. Plus fort que moi, Herbert pourra vivre encore, même après avoir beaucoup pleuré… consolez-le Seigneur…

— Christine, mon premier amour ! Christine, aimée avec constance pendant l’absence Christine le seul bien, la seule espérance de ma vie ! m’abandonnerez-vous ainsi ? Ce cœur qui fut tout à moi m’est-il fermé pour toujours ?

Les yeux tournés vers le Christ, les mains toujours jointes, la novice, comme si elle n’eût plus su parler qu’à Dieu, répondit doucement :