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sa population deux fois plus nombreuse, et le budget de la France, en 1847, élevant à seize cents millions les dépenses de l’état, laissait bien loin derrière lui comme un infiniment petit ce budget de 1789, dans lequel un déficit qui serait aujourd’hui à peine sensible avait hâté l’heure de la révolution.

L’infériorité des gouvernemens constitutionnels et des républiques principalement consiste en ceci : que le progrès naturel de la richesse y est contrarié et tenu en échec par l’instabilité du pouvoir. Voilà ce qui rend les économies et les réformes dans l’ordre financier très difficiles, pour ne pas dire impossibles. Le temps manque pour faire le bien. Tout reste en projet, parce que l’occasion d’agir se présente rarement au jour favorable. À peine est-on rentré dans l’état normal, qu’une crise nouvelle survient. Ce que le repos a recueilli de forces, ce que le travail a produit, est bientôt dissipé par la tempête. Les révolutions viennent toujours, comme à point nommé, augmenter les dépenses et diminuer les recettes du trésor. Il y a plus, elles ébranlent l’impôt, et mettent ainsi l’état, pour l’avenir encore plus que pour le présent, dans l’impuissance de pourvoir aux nécessités qu’elles engendrent.

À ce point de vue, je le reconnais, il y a peu à espérer des finances d’un gouvernement républicain. Il faut un terrain plus solide à l’équilibre des budgets. L’ordre financier a besoin de reposer sur le roc ; on ne le fondera jamais sur le sable. Voyez les états de l’Union américaine. Bien que l’esprit de changement ne pût pas s’y trouver à l’étroit, placé devant les profondeurs et la fécondité d’un espace sans bornes à défricher, et porté par la force d’expansion d’une société naissante, n’a-t-il pas déjà fait dans leur sein des ruines dont l’Europe tout au moins a dû souffrir ? Combien d’états ont suspendu, sinon abandonné le paiement de leur dette ! et le gouvernement central lui-même peut-il, depuis plusieurs années, se soutenir par ses ressources régulières ? N’est-il pas, au contraire, condamné, par son ambition, par sa mobilité et par ses fautes, à l’expédient onéreux et dangereux des emprunts ?

Le sol de la république semble être encore plus mal assis en Europe. Dans notre vieille société, où le passé se survit par l’empreinte que les mœurs en gardent, et où, pour créer à nouveau, il faut détruire, le génie républicain, contenu et comprimé par la force des choses, ne peut se faire jour que par de violentes explosions. C’est une terre volcanique où la lave bout et gronde sourdement, quand elle ne coule pas avec le fracas du tonnerre. En vain l’on inscrit la fraternité sur les drapeaux et l’on donne aux lois l’égalité pour principe dans un pays où une partie de la nation conspire ou se révolte perpétuellement contre