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toit du paysan ou du knèse serbe ; vous rencontrerez partout les mêmes mœurs, ces traditions vénérables sous l’empire desquelles le père, véritablement chef de la famille, règne et gouverne dans la plénitude de son droit indiqué et défini par la nature elle-même.

Cette force naturelle, légitime, salutaire, reconnue au foyer domestique, l’est de même dans la commune. Dans la plupart des civilisations occidentales, la commune n’est point autre chose qu’une association d’individus ; chez les Slaves, la commune est une association de familles. Chez nous, la famille n’existe pas comme élément politique ; là, au contraire, elle a une existence officielle ; elle est l’élément constitutif à la fois de la commune et de l’état, en tant que famille.

Ce principe organique a reçu son application dans les lois démocratiques de la Serbie turque. L’ancienne constitution de la Pologne pourrait aussi nous en offrir çà et là quelques vestiges. Enfin, nous en retrouvons des traces profondes dans la Russie elle-même, sous le régime du servage. Un voyageur dont nous aimons à invoquer l’autorité impartiale et scrupuleuse, M. de Haxthausen, a décrit l’organisation de la commune russe, en exposant l’état des paysans de la couronne. « La commune comprend, dit-il, trois degrés : le village, la commune rurale et le canton. À la tête de chaque village se trouve le starosta (l’ancien) élu par les paysans eux-mêmes. Il a pour adjoints les dessiatsky ou dizeniers, choisis chacun à la majorité des suffrages par dix pères de famille. Ces élus du peuple restent en fonctions un an, quoique, d’après la règle, ils dussent être changés tous les mois. Les petits villages ne possèdent souvent qu’un dessiatsky. Les adjoints n’ont pas d’appointemens ; mais le starosta reçoit un salaire qui s’élève à 185 roubles assignat par an. La commune rurale se compose de cinq à six cents pères de famille. Jadis, le poste de starchina (chef d’âge) revenait de droit au plus ancien starosta de la commune ; actuellement, chacun des villages qui la composent envoie deux députés pour l’élection du starchina, auquel on donne par an de 300 à 400 roubles assignat. C’est la commune qui est obligée de fournir les recrues dont le nombre est ordinairement fixé par un oukase à tant par mille habitans. Plusieurs communes rurales forment un canton présidé par le golova (chef, tête) élu par suffrage pour trois ans. Le chef de l’arrondissement est tenu de donner par écrit son avis sur le choix du golova et de l’envoyer à la chambre des domaines qui le présente au gouverneur. C’est à ce dernier qu’appartient le droit de confirmer ou de rejeter le candidat proposé par les paysans. Le golova peut être réélu pour trois ans, si, pendant tout le temps de sa première gestion, aucune plainte n’a été portée contre lui. Le golova reçoit par an 600 roubles assignat ou même davantage. »

Après ce principe de la famille qui sert de fondement à la commune,