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BELLAH.

IX.

Bois ton sang, Beaumanoir : ta soif se passera. (Ancienne Ballade.)

Le lendemain, à la même heure avancée du jour, le commandant Pelven, en petite tenue militaire, parcourait la route de Plélan à Ploermel, et il essayait, en pressant le pas de son cheval, de gagner cette dernière ville avant que l’orage qui menaçait dans le ciel eût éclaté. Une nuée sombre, s’étendant jusqu’à l’horizon, s’abaissait peu à peu vers la cime des grands arbres au feuillage immobile. Par intervalles, la poussière du chemin se mouchetait de larges gouttes d’eau. Aux alentours, dans la campagne, régnait ce silence inquiet, ce calme solennel où la nature tout entière semble se recueillir à l’approche du danger. Soudain un éclair déchira profondément les flancs du nuage ; une double détonation éclatante fit trembler le sol ; en même temps, un déluge de grêle et de pluie se précipitait du ciel en trouvert, obscurcissant le jour d’une brume épaisse. Le cheval du voyageur, ébloui par la foudre, aveuglé par la pluie, fit un bond de côté, s’arrêta court, puis repartit tout à coup au galop avec un emportement impétueux que son maître ne put réussir à dompter.

Pelven avait fini par s’abandonner sans résistance, et non sans une sorte de sensation agréable, à cette course furieuse à travers les élémens déchaînés, quand, à un détour de la route, il faillit être renversé par le choc d’une vingtaine de cavaliers qui venaient à sa rencontre, et

(1) Voyez les livraisons des le* et 15 mars.

TOME vi.