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que la conscience commande de ne donner à aucun pouvoir sur la terre. Ils supplient qu’on accepte de leurs paroles une interprétation conforme à la pensée souvent manifestée par l’assemblée elle-même ; ils réclament au moins le droit de faire précéder le serment de quelques explications qui pourraient concilier les exigences de la loi avec le cri de leur conscience. Vains palliatifs, explications inutiles ! il faut le serment, le serment pur et simple ; il le faut sans un mot de commentaire et sans une minute de retard ; l’émeute qui gronde au dehors n’est pas moins impatiente que la haine qui rugit au dedans, et chaque refus des confesseurs est accueilli par des cris où perce moins de colère que de joie, car on entrevoit dans ces refus le prélude des scènes sanglantes dont on a le pressentiment et le besoin.

La révocation des fonctions ecclésiastiques, prononcée en masse contre un si grand nombre de ses membres, altéra l’esprit de l’assemblée nationale en en modifiant complètement la composition. Le clergé y avait joué jusqu’alors le rôle d’intermédiaire bienveillant entre l’ancienne noblesse et l’ancien tiers-état ; mais, la plupart des ecclésiastiques ayant quitté la constituante, leur absence laissa tout à coup un vide irréparable sur les bancs d’où partaient jusqu’alors des conseils de modération et de paix. Déjà les plus vieux champions de la liberté, les Lally-Tollendal et les Mounier, chefs du grand parti constitutionnel qui restera l’éternel honneur de la révolution française, comme il en demeure l’éternelle espérance, avaient quitté une enceinte où leurs intentions étaient chaque jour calomniées, pour porter hors de leur patrie l’amertume de leurs nobles illusions perdues. Beaucoup de membres de la minorité suivirent dans leur retraite les députés ecclésiastiques. Ceux qui continuèrent à siéger au côté droit déclarèrent que l’inutilité de leurs efforts, authentiquement constatée par l’issue de cette déplorable discussion, leur commandait de ne plus prendre part à aucun débat, où leur intervention active aurait d’ailleurs pour effet de donner des forces nouvelles au parti de l’anarchie, et qu’ils se borneraient désormais à déposer, dans de rares occasions, un vote silencieux. Restés dans une assemblée au sein de laquelle ils se considérèrent dès ce jour comme étrangers, ces membres cédèrent à la dangereuse tentation de faire de la politique pessimiste. Après avoir, durant deux années, défendu pied à pied les attributions conservées à la couronne et engagé une opposition dont la violence n’excluait pas la loyauté, on les vit, aigris par le malheur, irrités par l’injustice, attendre avec un secret espoir et provoquer par leur attitude passive une crise où ils entrevoyaient pour le monarque une réparation et pour eux-mêmes une vengeance. Dominés par des antipathies devenues irrésistibles et par le désastreux système qui tend à faire sortir le bien de l’excès du mal, ils refusèrent obstinément, à l’époque fixée pour la révision de l’acte