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l’Anatolie de dangereux rivaux aux ports de la Russie méridionale. Il est peut-être inutile d’ajouter que la culture des céréales dans l’Asie Mineure n’atteindra un pareil but que secondée par les efforts de la science moderne et par le travail d’une population industrielle sur laquelle ne pèseront plus les entraves d’un système administratif souvent peu compatible avec les besoins de la civilisation moderne. Si jamais pourtant cette régénération peut s’accomplir, une ère de brillante et féconde activité s’ouvrira pour les belles vallées qui débouchent vers le littoral occidental de l’Asie Mineure. Converties en des champs de céréales et reliées par des routes aux ports de Smyrne, d’Aïvalhy, de Scala-Nuova, de Tchanderly, ces vallées pourront en toute saison verser leurs produits sur les côtes de la péninsule anatolique et fournir à l’Europe des grains à des prix d’autant plus réduits, qu’avec un sol pour le moins aussi fertile que celui des provinces méridionales de la Russie, l’Asie Mineure aurait encore sur ces dernières l’avantage d’un transport plus aisé et d’une ligne littorale bien plus développée et mieux appropriée par la nature aux exigences commerciales.

La vallée d’Erménék, qui traverse du nord-ouest au sud-est la Cilicie Pétrée, est arrosée par l’Erménéksou (l’ancien Calycadnus). C’est peut-être la vallée la plus pittoresque de l’Asie Mineure. Encaissée entre deux remparts de montagnes qui ne la quittent qu’à l’embouchure de l’Erménéksou, où commence la superbe plaine de Sélévké, la vallée d’Erménék jouit des avantages d’un printemps presque perpétuel, et captive le naturaliste par l’immense variété et la richesse de sa végétation, qui revêt quelquefois le type d’une flore tropicale.

La vallée du Méandre (Buyuk-Méndéré), celle du Caïstre (Kutchuk6Méndéré), celle de l’Hermus (Gédis-Tchaï) et enfin celle du Caïeus (Bakyr-Tchaï) aboutissent toutes vers l’archipel grec, et, comme c’est sur le littoral occidental de l’Asie Mineure que se trouvent situés les ports de mer les plus nombreux et les plus favorisés par la nature, ces quatre vallées acquièrent une haute importance commerciale. Leurs nombreux produits consistent principalement en riz, tabac, maïs, opium, céréales et huile d’olive. Le sol dans ces vallées est d’une fécondité merveilleuse. La partie nord-ouest de la plaine du Méandre est la mieux cultivée ; c’est là qu’on trouve aussi les localités qui servent de marché aux céréales venues de tous les points de cette vallée ; le village Sukoi est de ce nombre, et forme un des grands dépôts de grains auxquels les commerçans s’adressent pour y faire leurs achats et les transporter ensuite au port de Scala-Nuova, situé seulement à quatre lieues du village. Les céréales arrivées, à Sukoi s’y vendent au prix de 15 à 20 piastres (4 à 5 francs) le kilo turc (15 kilogrammes) ; or, Sukoi fournit annuellement aux ports de Scala-Nuova et de Smyrne environ 250 ou 300,000 kilos turcs de grains (4,500,000 kilogrammes).