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sauraient s’appliquer les observations précédentes, car elle est organisée sur un pied européen. Créée par des Européens, elle a été dirigée jusqu’à ce jour par des ingénieurs autrichiens ; c’est le bel établissement de Tokat. Cette usine a été construite il y a huit ans par M. de Pauliny, ingénieur en chef des mines autrichiennes. C’est un édifice spacieux, situé à un quart de kilomètre de la ville de Tokat, et renfermant trois fourneaux à réverbère dans lesquels s’opère la fonte des minerais de pyrite de cuivre fournis par les mines d’Argana-Madène à l’état de cuivre brut. Les procédés employés pour en extraire du cuivre raffiné sont parfaitement conformes aux procédés usités en Europe ; ils n’en diffèrent qu’en un point : c’est qu’on ajoute un peu de plomb oxydé à la matière en fusion quand l’œuvre de l’oxydation et de la scorification est terminée. Le cuivre métallique se trouve ainsi réduit à l’état d’oxydule, dégagé de toutes les substances étrangères qui passent dans la scorie à l’état de fer oxydulé. Une étrange prétention du gouvernement turc motive ce procédé, que je n’avais encore nulle part observé en Europe. Le gouvernement ottoman exige que le cuivre lui soit livré en barres dont la structure intérieure offre une parfaite homogénéité ; or, c’est un fait bien connu de tout métallurgiste pratique que, lorsque le cuivre oxydulé se trouve coulé en barres, il acquiert, à la suite d’un refroidissement inégal, une texture plus ou moins poreuse ou fibreuse, ce qui, dans aucun pays du monde, ne constitue une imperfection réelle, mais ce qui paraît intolérable au gouvernement turc. Pour remédier à cet inconvénient imaginaire, M. Haas, directeur de l’usine de Tokat, a dû chercher un moyen de donner aux barres cette homogénéité et cette élégance de surface requises par le gouvernement turc, et il a atteint son but, bien qu’aux dépens de la qualité intrinsèque du produit, par l’addition du plomb oxydé au pyrite de cuivre. Voilà donc encore le fond sacrifié à la forme.

Le cuivre coulé en barres est soumis dans le même établissement au procédé de la désoxydation par l’effet du charbon. L’opération du raffinage est alors terminée, et le cuivre ainsi épuré ne le cède pas aux cuivres européens les plus estimés. Le minerai d’Argana-Madène possède même une qualité qu’on retrouve rarement dans celui des autres pays, l’absence complète de ces substances antimoniales ou arsenicales dont l’expulsion exige, dans la plupart des mines d’Europe, tant de travaux et de si pénibles efforts. Quant à l’élimination du soufre et du fer, les deux seuls alliages que renferment les minerais de cuivre d’Argana-Madène, elle s’effectue aisément par la voie de l’oxydation.

En évaluant le batman à 180 piastres (environ 45 fr.)[1], la quantité

  1. L’ok de cuivre coûte à Constantinople 30 piastres.