Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/757

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyait faire un sacrifice, se trouvera avoir fait une bonne spéculation, et il en sera presque toujours ainsi dans les occasions analogues.

La seconde question de douanes était relative aux droits sur le sucre. Dans la situation actuelle des choses, le droit perçu sur le sucre indigène et sur le sucre des colonies françaises d’Amérique est de 45 fr. les 100 kilogr. ; les sucres étrangers sont grevés en outre d’une surtaxe de 20 fr. Le gouvernement proposait de réduire de 5 francs, à partir du 1er juillet prochain, le droit sur le sucre français et le sucre colonial, et de le diminuer de pareille somme d’année en année pendant trois ans encore, jusqu’à ce que le droit fût ramené au taux de 25 francs les 100 kilogr. ; en même temps, il proposait de réduire de 5 fr. la surtaxe qui protège le sucre français et le sucre colonial contre la concurrence des sucres étrangers. Le conseil général a adopté la proposition du gouvernement pour les deux sucres français, et, allant encore plus loin que lui dans la voie de la concurrence, il a voté un abaissement immédiat de 10 fr. sur la surtaxe. Ce vote est peut-être plus remarquable encore que le précédent, en ce qu’il peut avoir des résultats un peu plus sensibles sur les importations. Aujourd’hui la surtaxe établie sur les sucres est prohibitive, et les deux sucres français occupent sans rivaux le marché national. Avec une réduction de moitié sur la surtaxe, l’introduction d’une certaine quantité de sucre étranger devient possible ; cette introduction sera sans doute assez faible d’abord, car une charge de 10 fr. est encore bien forte, mais enfin le marché n’est plus aussi complètement fermé, et c’est ce qui donne à cette décision une véritable importance. Le conseil a de plus admis un nouveau mode de tarification d’après la richesse saccharine qui est à lui seul un dégrèvement.

Maintenant, quels sont les motifs qui ont déterminé le conseil général ? Les voici : cinq intérêts divers étaient en présence : 1° l’intérêt de la production indigène, du sucre de betterave ; 2° l’intérêt des colonies, du sucre de canne ; 3° l’intérêt des consommateurs, qui tiennent naturellement à payer le sucre le meilleur marché possible ; 4° l’intérêt du trésor, qui trouve dans le sucre la source d’un revenu considérable ; 5° l’intérêt de la navigation, de la marine marchande, qui cherche dans le transport de cette denrée une de ses principales sources de fret. C’est pour satisfaire l’intérêt de la production indigène, de la production coloniale et des consommateurs, que le conseil a réduit l’impôt sur les sucres français de 45 fr. à 25, ce qui doit faire baisser le prix du sucre de 20 centimes le kilogr., et fournir ainsi, par l’augmentation probable de la consommation, un débouché de plus en plus vaste aux deux productions. En même temps, pour rendre au trésor une partie de ce que cette réduction peut lui faire perdre et pour fournir à la marine marchande un aliment nouveau de fret, le conseil