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commission a fait justement la guerre en protestant, au nom des éleveurs français, contre des assertions injustes. Évidemment c’est fermer les yeux à la lumière que de nier les progrès immenses qu’a faits et que fait tous les jours en France l’élève du bétail ; la France est aujourd’hui, après l’Angleterre et bien près de l’Angleterre, le premier pays du monde pour la production de la viande : voilà la vérité ; mais plus la commission prouvait que nos éleveurs multipliaient et amélioraient considérablement leurs produits tous les jours, plus il était manifeste que l’agriculture française n’avait rien à craindre de la concurrence étrangère : voilà sans doute pourquoi le conseil général n’a pas craint de voter comme il l’a fait.

Pour notre compte, nous estimons que l’alimentation du pays en viande par ses propres ressources est un de ses premiers intérêts, et, si nous supposions que l’élève du bétail en France pût recevoir la moindre atteinte du nouveau régime proposé par le gouvernement et consacré par le conseil, nous n’hésiterions pas à le combattre. Nous allons plus loin : nous croyons que le prix de la viande doit être réglé par les conditions du marché national, par le rapport naturel de la consommation à la production, et, si l’introduction des bestiaux étrangers devait exercer une influence appréciable sur le prix de la viande déjà tombée à peu près au niveau de son prix de revient, nous protesterions ; , mais il est surabondamment démontré pour nous qu’il n’est au pouvoir d’aucun pays étranger d’exercer sur nos marchés une pareille influence : tous les pays qui nous environnent ont moins de bétail que nous et de moins beau bétail. L’Angleterre seule a plus de bétail et du plus beau, mais les besoins de la consommation sont tels en Angleterre, que nous y exportons de la viande au lieu d’en importer. Le nouveau régime proposé pour la frontière d’Allemagne aura le même résultat que le régime analogue en vigueur déjà depuis quelques années sur la frontière du Piémont ; il satisfera quelques besoins locaux extrêmement restreints, mais au-delà de la zone frontière il sera complètement insensible sur l’immensité du marché national, et, en permettant d’introduire pour quelques centaines de mille francs de bestiaux de plus par an dans un pays qui en consomme pour un milliard, il ne blessera aucun intérêt.

Ce n’est pas par des introductions de bétail étranger qu’on peut espérer de faire augmenter en France la consommation de la viande. Cet excédant de bétail n’existe pas ; dans le Zollverein allemand, l’importation du bétail dépasse annuellement l’exportation ; en Belgique, d’après des études très bien faites par M. MoLl, il y a 226 têtes de gros bétail par 1,000 habitans, 182 bêtes à laine et 104 porcs, tandis que la proportion est en France de 292 têtes de gros bétail, 946 moutons et 149 pores. La ration moyenne de chaque Français en viande, inférieure