Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/894

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec, elle ; s’il est vieux, il la gourmande, mais, dans ce dernier cas, ses observations sont assez mal reçues. — Ouah ! señor padre, croyez-vous que je sois venue ici pour me confesser ? — Et, légère comme une gazelle, on la voit s’enfuir en riant, suivie de quatre ou cinq soeurs, cousines ou amies qui l’accompagnent toujours.

Cependant les images des saints apparaissent dans toute leur pompe. Chacune de ces statues vénérées repose sur un énorme piédestal porté par huit ou dix grands nègres dont une ample tenture à franges d’or ne laisse apercevoir que les jambes robustes et les pieds nus. Dans les momens de halte, les malheureux, à demi étouffés par la chaleur, passent la tête entre les épais rideaux de velours et promènent leurs grands yeux ébahis sur la foule. Les tapadas, on le devine, n’ont pas plus de pitié pour eux qu’elles n’ont de respect pour les moines, et les noirs enfans de l’Afrique, accueillis par une pluie de quolibets, ne tardent pas à rentrer sous la tapisserie qui les protège contre la curiosité railleuse des spectatrices en saya. La statue de la sainte vient enfin détourner l’attention générale. Sainte Rose est couronnée d’une fraîche guirlande des fleurs qui portent son nom. — Que bonita ! que blanca ! s’écrie-t-on, et les fleurs, les bouquets pleuvent de tous les balcons sur l’image chérie. Derrière la sainte, marche l’archevêque portant le saint-sacrement. Partout, sur son passage, le silence et le recueillement succèdent aux conversations bruyantes. Puis vient le président rte la république, suivi du conseil d’état, des généraux, de tous les officiers supérieurs, dans tout l’éclat de leurs uniformes brodés. L’armée entière du Pérou, — deux, trois mille hommes quelquefois, — leur sert d’escorte. Ajoutez à ce pompeux cortége la masse entière du peuple, toute une foule bruyante et bigarrée, où l’Indien heurte le blanc, où le métis coudoie le noir, où circulent les femmes en mantille ou en soya, le visage découvert ou la figure voilée ; imaginez, comme encadrement au tableau, d’une part un ciel éblouissant, de l’autre des maisons pavoisées, des balcons garnis de spectateurs, et vous aurez une idée de la magnificence pittoresque qui explique le goût si vif des Liméniens pour les cérémonies religieuses. Il est inutile d’ailleurs de remarquer qu’il n’y a rien là qui prenne sa source dans un sentiment très profond. On court à une procession comme à un spectacle, personne ne songe à chercher dans les pompes de l’église une occasion de pieux recueillement. Tel est du moins le caractère des cérémonies catholiques telles qu’on peut les observer à Lima et dans les autres villes de la côte ; j’aurai occasion de dire plus loin ce qu’elles sont dans les montagnes, où l’élément indien prévaut sur l’élément espagnol.

Après les solennités religieuses, c’est dans les fêtes populaires qu’on peut le mieux saisir les traits caractéristiques des jeunes sociétés de l’Amérique méridionale. La plus curieuse de ces fêtes au Pérou est