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excentricités de mauvais goût et de mauvais train par où il vise à se distinguer du commun, faute de pouvoir s’en tirer par des ressources plus élégantes ou plus sérieuses. Il y a la carmagnole du malheureux Tantale, qui, dévoré de la soif de gouverner, la tête à moitié perdue par la folie fièvre d’une ambition incessamment trompée, s’affuble ainsi pour tacher de couvrir toute la garde-robe qu’il a déjà sur le dos, pour se dépayser, s’il est possible, et parvenir, sous ce nouveau costume, au but qu’il a manqué sous tant d’autres. Il y a la carmagnole de ces aigres libéraux dont tout le libéralisme se résume dans l’avènement exclusif d’une coterie incapable et hargneuse, mais qui, désespérant de rallier un parti autour de leur petite église, courent eux-mêmes à la queue du grand parti de la révolte avec l’arrière-pensée d’en escamoter adroitement les violences, et de le museler au moment qui leur profitera le mieux. Il y a la carmagnole du philistin trembleur qui se précautionne de longue main pour n’être pas dénoncé au tribunal révolutionnaire de la terreur prochaine ; il y a celle du philistin pédagogue qui s’habille de ce vêtement-là pour faire figure de magister politique et gronder l’autorité d’un ton plus impérieux. Il y a les carmagnoles de toutes - les professions, celle du prêtre déchu, celle du soldat cassé, celle du - médecin sans malades et celle de l’avocat sans cliens. J’en sais une enfin qu’il n’appartient pas à tout le monde de porter, que l’on ne porte pas à moins d’une certaine conformation d’esprit, et que l’on porte alors pompeusement comme la pourpre d’un césar, une carmagnole majestueuse et prétentieuse, brodée sur toutes les coutures de verroteries et de clinquant, un vrai harnais à grelots digne d’orner à lui seul l’armoire le plus en vue dans notre musée de raretés humaines. C’est celle-là que j’appelle, à défaut d’un nom plus technique et moins patronymique, la carmagnole d’Olympio.

Je m’empresse de déclarer que la physionomie d’Olympio ne me représente pas uniquement le poète qui lui a donné l’être et qui l’a baptisée. M. Victor Hugo ne voulait assurément parler que de lui-même quand il inventait cette dénomination hautaine du penseur sublime, et elle n’allait à personne mieux qu’à lui ; mais il n’est cependant pas le seul qu’y en puisse décorer, et, comme il arrive quelquefois dans l’œuvre des artistes vigoureux, sa main a d’un trait buriné tout un type. M. Victor Hugo est sans doute resté le roi de son espèce ; mais l’espèce a pullulé, et, à mesure qu’elle se multipliait, la taille y a baissé, de sorte qu’elle a compris, en s’étendant si fort, les infiniment petits à côté des géans. Elle est devenue de la sorte une catégorie morale assez nombreuse, une bande à part qui a joué son rôle dans notre société, qui a notamment exercé une sensible influence sur notre direction littéraire, qui a toujours cherché néanmoins à se pousser en dehors des lettres, et qui, malgré son désir d’avancer dans le monde, n’a jamais réussi à se