Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/941

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

REVUE LITTERAIRE.




LES THEÂTRES ET LES LIVRES.




N’y a-t-il pas eu quelque chose d’instructif, et comme un piquant synchronisme, dans cette reprise d’Angelo à trois jours de distance du dernier discours de M. Victor Hugo ? Drame et discours ont ensemble un air de famille qu’on ne saurait contester. Assurément les adversaires politiques de M. Hugo n’ont pas eu de peine à le mettre en opposition avec lui-même, à établir entre son passé et ses tendances actuelles des contrastes accablans. Pour qui ne consulte que les indices extérieurs, il y a loin des effusions monarchiques du poète vendéen ou du lyrisme courtisanesque de l’ancien pair de France à cet apostolat socialiste qui fait applaudir par la montagne l’orgueilleux cliquetis de ses métaphores. Et cependant, lorsqu’on étudie les habitudes poétiques de M. Hugo, au théâtre surtout, dans cette partie de son œuvre où il a le plus cherché le succès immédiat, le contact direct avec la foule, lorsqu’on voit à quelle source il a constamment puisé, quelle a été l’idée dominante de toutes ses conceptions dramatiques, quels moyens de réussite il a perpétuellement employés, on n’est plus aussi étonné de ses nouveaux sacrifices à cette popularité dont il est avide, et l’on reconnaît que ses mélodrames de tribune pourraient bien n’être que les corollaires de Marie Tudor, de Lucrèce Borgia et d’Angelo.

Qu’est-ce donc que ce drame d’Angelo auquel le caprice d’une grande actrice vient d’accorder les honneurs d’une résurrection fort intempestive ? C’est une antithèse en quatre actes, la glorification de la courtisane transfigurée par l’amour, et humiliant, de toute la supériorité de son dévouement et de son courage, la patricienne, sa rivale. Le texte n’est pas neuf, surtout sous la plume de M. Hugo, dont le théâtre presque entier à l’antithèse pour base ; mais son système,