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auxiliaire à la représentation des types les plus vénérés et les plus saints.

Je ne dirai qu’un mot des divisions que je crois devoir suivre dans ce travail.

Ce n’est pas une des moindres singularités du modeste sujet qui nous occupe que de nous obliger à recourir pour son étude aux mêmes classifications un peu pédantesques que nous avons appliquées autrefois à l’étude générale du théâtre. Chose surprenante ! nous allons rencontrer dans l’histoire des acteurs de bois identiquement les mêmes phases de développement (hiératiques, aristocratiques et populaires), que nous avons autrefois signalées comme d’utiles jalons dans l’histoire du grand et véritable drame. C’est qu’en effet l’humble théâtre des marionnettes est comme une sorte de microcosme théâtral, dans lequel se concentre et se reflète en raccourci l’image du drame entier, et où l’œil de la critique petit embrasser, avec une netteté parfaite, l’ensemble des lois qui règlent la marche du génie dramatique universel.

En conséquence, malgré la disproportion apparente qui éclate entre le sujet et le mode d’investigation, je crois ne pouvoir mieux faire que de suivre dans la reconnaissance de cette petite contrée les mêmes voies d’exploration dont je me suis servi, à une autre époque, pour m’orienter dans le labyrinthe des diverses transformations dramatiques. Nous allons donc envisager les marionnettes sous un triple point de vue : comme hiératiques, comme aristocratiques et comme populaires.


II. – MARIONNETTES HIERATIQUES CHEZ LES EGYPTIENS, LES GRECS ET LES ROMAINS.

C’est en Égypte, et dans les écrits du père de l’histoire, que nous trouvons mentionnées les plus anciennes marionnettes hiératiques. On lit dans le second livre d’Hérodote[1] que les Égyptiens célébraient la fête de Bacchus (qui n’est autre qu’Osiris[2] dans la langue habituelle de l’écrivain), avec des rites à peu près semblables à ceux qu’on employait en Grèce. Seulement, « au lieu de phallus, les femmes, dit-il, promenaient de village en village des statuettes de la hauteur d’une coudée, dont la partie sexuelle, presque égale au reste du corps, se

  1. Chap. 148.
  2. Hérodote établit cette identification au chap. 42 du second livre, et plus formellement au chap. 144. Diodore la confirme (Oper., t. I, p. 19). J’ajouterai qu’on a découvert dans une île voisine de la première cataracte, appelée dans l’antiquité l’île de Bacchus, une inscription du règne de Ptolémée Évergète II, qui contient une dédicace à plusieurs divinités locales, et sur laquelle on lit : « A Pétempamenthès (c’est un des surnoms d’Osiris), qui est aussi Bacchus. » Voyez Jablonski. Opusc., t. l, p. 25.