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Adieu, père aux marionnettes,
Adieu, l’auteur des Théatins !

Ces religieux, installés à Paris par le cardinal Mazarin, se servaient, en effet, de petites figures à ressorts pour donner au peuple le spectacle de la crèche, non pas, comme l’a dit Dulaure, dans leur église ou en chaire[1], mais à la porte de leur couvent. On lit dans une autre mazarinade, intitulée Lettre au cardinal burlesque :

Et votre troupe théatine,
Ne voyant pas de sûreté
En notre ville et vicomté,
A fait Flandre, et dans ses cachettes
A serré les marionnettes,
Qu’elle faisoit voir ci-devant
Dans les derniers jours de l’Avent.

Ces représentations pieuses, passées aux mains des laïques, n’ont pas cessé d’édifier et d’amuser le peuple dans les environs des églises. À Paris même, en plein XVIIIe siècle, on voyait des figures de cire mouvantes représenter la Passion et la Crèche sur le Petit Pont de l’Hôtel-Dieu. Tous les ans, les affiches de Paris annonçaient ces spectacles au moment de la fermeture de tous les autres. Voici une de ces annonces que je transcris comme échantillon : « Messieurs et dames, la passion de notre Seigneur Jésus-Christ en figures de cire mouvantes comme le naturel se représente depuis le dimanche de la Passion, et continue jusqu’au jour de Quasimodo inclusivement. Ce spectacle est digne de l’admiration du public, tant par les changemens de ses décorations que par le digne sujet qu’il représente. C’est toujours sur le pont de l’Hôtel-Dieu, rue de la Bûcherie, où de tous temps s’est représentée la Crèche[2]. »

En 1777, quelques mois avant l’arrivée triomphale de Voltaire à Paris, on annonçait dans un quartier populeux ce spectacle biblique « L’origine du monde et la chute du premier homme, spectacle de peinture, de mécanique et de musique, en cinq actes, tiré du Paradis perdu de Milton, composé et exécuté, par le sieur Josse, rue Greneta » Il.en était de même dans les provinces. Je possède un programme daté de Reims, 15 avril 1775 ; il est ainsi conçu : « Explication du Jugement universel, tragédie, par le sieur Ardax du mont Liban. Cette pièce sera composée de trois mille cinq cents figures en bas-relief que l’on fera changer et marcher selon l’ordre qu’on leur imposera L’auteur, qui n’a d’autre but que d’édifier le public en le récréant, a suivi les livres

  1. Histoire de Paris, t. V, p. 164, et suiv., 6e édit.
  2. Affiches de Boudet, 4 avril et 29 décembre 1746. Ces annonces se répétaient deux fois tous les ans, à Noël et à Pâques.