Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a long-temps affiché une prétention inconnue jusqu’à lui dans le domaine de la pratique comme dans celui de la science, et qui ne visé à rien moins qu’à établir une sorte de taux normal pour l’intérêt de l’argent. Il avait cru pendant long-temps que ce tant était celui de 4 pour 100, et l’avait généreusement maintenu dans des temps où l’argent valait bien davantage ; mais la crise de 1846-47 obligea la Banque, pour sa propre sécurité, à élever l’intérêt à 3 pour 100. La logique et l’équité voulaient qu’en échange, lorsque les capitaux abonderaient sur le marché, la Banque réduisît la prime de l’escompte. Elle n’en a rien fait, et de là, sans contredit la réduction graduelle de son portefeuille. Ne sait-on pas que le comptoir national de Paris trouvait de l’argent à 3 pour 100 pendant que la Banque persistait à exiger 4 ? Dans un moment où l’industrie française faisait de louables efforts pour alimenter les marchés du dedans et pour pénétrer dans ceux du dehors, la Banque a certainement négligé la partie la plus élevée de sa tâche, qui consistait à donner et à régler l’impulsion. Avec une politique plus libérale, en abaissant le taux de l’escompte à 3 pour 100, la Banque eût encouragé les négociations à terme ; les grandes affaires auraient repris leur cours, les effets auraient afflué vers le portefeuille, et les actionnaires n’en seraient pas réduits à se partager des dividendes de 4 et demi pour 100. La banque d’Angleterre, exige quelquefois un intérêt de 6 pour 100 pour admettre des effets de commerce à l’escompte ; mais elle se contente plus souvent encore de 2 et demi pour 100. En un mot, elle suit les oscillations du marché, et fait payer l’argent ce qu’il vaut. La Banque de France trouverait au besoin dans ses statuts une raison de plus de se conformer à cet exemple. En exigeant que les effets qu’elle escompte soient revêtus de trois signatures, elle fait naître une industrie intermédiaire, celle des assureurs en matière de crédit, qui exigent une prime pour donner la troisième signature et pour ajouter leur garantie. À Londres, quand la banque prête sur effets de commerce à 3 pour 100, ce taux d’intérêt est ni plus ni moins celui qui paient les signataires ; à Paris, lorsque la Banque prête à 4 pour 100, le commerce paie réellement 4 et demi ou 5, une prime de demi ou même de 4 pour 100 restant, entre les mains des banquiers qui s’entremettent. Toutes choses égales, la Banque de France, qui exige trois signatures, devrait donc, en échange de cette sécurité qu’elle se donne, fournir les capitaux a meilleur marché qu’on ne les obtient dans les autres grands centres de commerce et d’industrie. L’intérêt de l’argent s’élève dans la proportion des risques. Le crédit ne serait qu’un leurre, si les détenteurs de capitaux prétendaient tout à la fois ne courir aucun risque et placer à gros intérêts. Il n’a manqué à la Banque de France, prudente et loyale comme elle est de l’aveu de tous, qu’une direction plus libérale et des vues plus élevées pour être réputée le premier établissement de crédit du monde.