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au porteur et à vue qui sont reçus comme argent dans toute l’étendue de la république. Comment veut-on que cet état de choses ne porte pas de conséquences ? Tout agrandissement de pouvoir impose de nouvelles garanties.

Avant 1848, la circulation de la Banque de France flottait entre 260 et 280 millions. Les billets des banques départementales n’atteignaient pas un maximum de 100 millions. Ce fut le gouvernement provisoire qui, pour donner une marge suffisante à la propagation des billets, éleva, pour les banques réunies, à 452 millions la limite légale. Cette limite, portée plus tard à 525 millions, peut être dépassée, depuis l’abrogation du cours forcé, par la seule volonté de la Banque, qui demeure juge des besoins et des facultés de la circulation. Veut-on maintenant que le capital qui répondait d’une circulation de 400 millions réponde d’une circulation de 500 à 600 millions ? Que l’on y prenne garde, l’argument va directement à la suppression absolue du capital pour les banques. Le premier aventurier venu pourra, sans avoir un sou par devers lui, lancer ses billets dans le commerce, et nous verrons se renouveler les prodiges opérés par Law monnayant les brouillards du Mississipi. Prétend-on qu’une banque n’a pas besoin d’augmenter les ressources qui lui appartiennent, quand elle accroît la somme de ses billets ? En ce cas, il faut aller plus loin et pousser jusqu’au bout la logique ; il faut établir en principe qu’une banque peut sans danger étendre indéfiniment sa circulation, ou, ce qui revient au même, réduire indéfiniment son capital. On atteint ainsi non pas seulement l’extrême limite du péril, mais encore, mais surtout celle de l’absurde.

L’apologiste de la loi du 6 août, qui raisonne toujours comme si la Banque était exclusivement un comptoir d’escompte, et comme si elle n’était pas le seul agent de la circulation dans le pays, affirme que « selon une opinion à peu près générale, le capital d’une banque n’est qu’un cautionnement destiné, en cas de sinistres notables, à garantir de toute perte les créanciers de l’établissements. » S’il en est ainsi, que l’écrivain de la Banque se montre conséquent, et puisque celle-ci n’a perdu que 5,800,000 francs dans les sinistres qui ont suivi l’ouragan de février 1848, qu’il propose de réduire son capital à sa réserve ; les créanciers trouveront encore un gage surabondant. J’ignore si l’opinion exprimée dans les lignes que l’on vient de lire est générale parmi les adeptes de la Banque de France ; mais j’ose dire que partout où les finances publiques sont l’objet d’une étude et d’une pratique intelligentes, et parmi tous les hommes qui sont versés dans les questions de crédit, cette étrange doctrine ne rencontrera aucune adhésion. Laissons là cependant les autorités, et attachons-nous à l’examen des faits. « La Banque, nous dit-on, ne délivre pas gratuitement ses billets au public ; jamais un billet ne sort de ses caisses sans qu’elle n’en