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parlant ainsi, M. le duc de Nemours était le fidèle interprète de la pensée du roi Louis-Philippe et de son œuvre. La famille d’Orléans, telle que le roi l’a faite et inspirée, est vraiment une famille toute nouvelle et animée d’un esprit nouveau. Ce n’est pas l’ancienne famille d’Orléans, telle qu’elle procédait du frère de Louis XIV, et que les talens supérieurs du régent avaient élevée un instant aux yeux de la France et du monde : c’est une famille dévouée au pays et aux institutions libérales que le pays a voulues, que son caractère et la malice du sort ne lui permettront peut-être pas d’avoir ; mais ce sera l’honneur du roi Louis-Philippe et de sa famille d’avoir mis leur avenir dans cette espérance ou dans ce rêve du pays. Si les institutions libérales, si l’accord tant cherché de l’ordre et de la liberté, n’est qu’une chimère ; si la France est vouée à l’anarchie ou au despotisme, si un gouvernement de juste-milieu n’est pas compatible avec notre caractère national, alors la famille royale d’Orléans s’est trompée et beaucoup d’ames généreuses se sont trompées avec elle ; alors, comme il n’y a plus d’avenir pour le libéralisme, il n’y en a pas non plus pour la famille d’Orléans, car le roi Louis-Philippe la faite, pour l’avenir du libéralisme. C’est là le caractère nouveau qu’il lui a donné, et, pour répondre à cet avenir généreux, il lui a donné un admirable esprit d’union et de concorde. C’est cet esprit d’union qui continuera de faire la force de la famille d’Orléans ; c’est par là qu’elle restera une famille, au lieu d’en faire plusieurs. Il n’y aura pas les Nemours, les Joinville ; les d’Aumale, les Montpensier ; il n’y aura que la famille du roi Louis-Philippe autour du comte de Paris. La touchante sainteté de la reine et l’aimable enfance de M. le comte de Paris, voilà les deux sentimens qui serviront de lien indestructible au faisceau de la famille royale.

Avec de pareils sentimens, l’idée de l’exil est supportable, et le spectacle même des grandeurs qu’on a perdues et qui sont passées à d’autres avec tous leurs périls n’a rien qui afflige ou qui aigrisse les ames. On nous contait à ce sujet un mot charmant de la reine : on lui parlait du voyage du président et des fêtes qui l’accueillaient ; la reine, lui disait-on, peut lire tout cela dans les journaux. — « Non, je ne le lis pas, dit la reine ; je me le rappelle. » Quel souvenir sans aigreur de la vanité des choses de ce monde et quelle piquante repartie d’une grande ame !

La douce et ferme union des princes de la famille d’Orléans doit servir d’exemple à leurs amis. Il ne peut pas y avoir deux côtés dans le parti orléaniste, et cela pour deux raisons : la première, c’est qu’il n’y a pas deux côtés dans la famille d’Orléans ; il n’y a qu’un seul cœur et qu’une seule pensée. Pourquoi donc y en aurait-il deux dans leurs amis ? Il ne s’agit plus ici de savoir comment la France doit être gouvernée ; il ne s’agit pas de se diviser en majorité de gouvernement et en minorité d’opposition. Il s’agit de maintenir intacte la doctrine de 1830, celle qui, pendant dix-huit ans, a fait la grandeur et la prospérité du pays. Le roi est mort sans abjurer cette doctrine et sans l’exagérer. La famille royale maintient cette doctrine, et ne veut pas non plus l’exagérer. Elle ne confond pas l’assentiment national avec les impraticables formalités du suffrage universel illimité, si chères à M. de La Rochejaquelein. Cette fidélité et cette justesse à conserver les principes de 1830 doivent servir d’exemple à tous les amis de la monarchie de juillet.